RCTV : les dessous cachés du cirque européen contre Chavez.

Par Maxime Vivas

Le 15 mai 2007, une alliance majoritaire entre les partis de la droite européenne, PPE, ALDE, UEN avec l’ITS (groupe politique d’ extrème droite, notamment de Jean-Marie et Marine Le Pen) a obtenu, contre l’avis de tous les autres partis, qu’une « Résolution du Parlement européen sur le Venezuela » soit inscrite à l’ordre du jour, pour un vote.

Cette résolution affirme que le non renouvellement de la licence hertzienne de la chaîne de télé RCTV condamne ce média qui emploie 3 000 salariés à disparaître, que la « fermeture de ce média » contrevient au droit de la presse à jouer son rôle de contre-pouvoir, que le gouvernement vénézuélien doit garantir une information pluraliste et faire respecter la liberté d’expression, Elle appelle au dialogue entre le gouvernement et RCTV.
Enfin, elle demande au Tribunal supérieur de justice vénézuélien d’annuler dans les plus brefs délais le décret entérinant la fin de la licence de diffusion de RCTV.

- Cette résolution de la droite et extrême droite parlementaire européenne (groupes majoritaires) est bourrée d’erreurs puisque RCTV ne va pas disparaître (elle sera privée de la voie hertzienne mais pourra émettre librement via le câble, le satellite, et Internet), que les salariés garderont leur emploi, que le pluralisme de l’information est garanti au Venezuela comme nulle part en Amérique latine. De plus, les incessantes invitations au dialogue en 2005 et 2006 lancées par la CONATEL (équivalent de notre CSA) se sont heurtées à des fins de non recevoir de RCTV.

- Cette résolution n’est soutenable que si l’on accepte trois postulats :

1. une chaîne de télévision privée qui a obtenu une licence pour 20 ans bénéficie en fait d’une licence à perpétuité.

2. une chaîne de télévision privée qui appelle à un coup d’Etat contre un président élu, qui bafoue les lois (publicité clandestine, fraude fiscale, non respect des quotas de production nationale, introductions d’images subliminales dans des émissions pour la jeunesse [1]etc.), qui refuse tout dialogue avec les Autorités peut EXIGER ce renouvellement.

3. Le Tribunal supérieur de justice vénézuélien ne doit pas se prononcer en son âme et conscience, en organisme indépendant (y compris de l’Europe), en application de la législation de son pays, mais « annuler » la décision de non renouvellement.

- Cette motion est lacunaire puisque RCTV peut émettre librement via le câble, le satellite, Internet. Les centaines de chaînes qui, à travers le monde, émettent ainsi NE SONT PAS FERMEES.

- Cette résolution fait preuve d’une sollicitude, pour d’hypothétiques licenciés vénézuéliens, dont la droite nous prive trop souvent pour des licenciés européens d’entreprises qui ferment VRAIMENT, de par la seule volonté de leur patron.

- Cette résolution nous rappelle qu’on n’a pas lu de motion analogue quand, durant le coup d’Etat d’avril 2002, des médias vénézuéliens dont la licence n’était pourtant pas caduque ont été brutalement fermés, complètement, sans préavis, tandis que des journalistes étaient arrêtés, voire torturés, puis quand l’information disparut des écrans pour masquer l’échec du putsch.

- Cette résolution nous interpelle sur ce qui se passerait demain si une télé française appelait l’armée à renverser Sarkozy, propageait les plus gros mensonges pour y aider, organisait une marche sur l’Elysée, s’acoquinait avec ceux qui tirent des coups de feu dans la rue, approuvait ceux qui ont dissous le gouvernement, le parlement et la plupart des Institutions étatiques, interdit les syndicats, démis tous les hauts fonctionnaires, pourchassé les journalistes non putschistes. Si tout cela se produisait, nos parlementaires signataires se battraient-ils pour que soit accordé à cette télé le droit de démontrer, pendant 20 ans de plus, son amour si particulier pour la démocratie ? Dans le cas inverse, ils indiqueraient que ce qu’ils admettent pour le Venezuela leur paraît indigne pour la France, faisant ainsi montre d’un esprit néo-colonial.

- Cette résolution nous suggère que, puisque nos médias nos télévisions privilégient un certain courant de pensée (le directeur adjoint de la campagne de Sarkozy étant coopté par la direction de TF1), il serait utile d’en voter une autre, pareillement soucieuse de la liberté d’expression et du pluralisme et destinée à l’Europe.

- Cette résolution s’est alimentée d’informations portées à Strasbourg par Marcel Granier, patron de RCTV, appuyé par Robert Ménard de RSF.


C’est le socialiste français, Jean-Pierre Cot, ancien président du groupe socialiste qui a fait inviter Marcel Granier au parlement européen il y a deux mois. Dans un premier temps les socialistes européens ont demandé l’inscription de cette question à l’ordre du jour puis, divisés, ils ont flotté pour ensuite se prononcer contre l’inscription de la motion à l’ordre du jour des urgences des droits de l’homme, et au final pour se rallier au compromis de gauche et voter contre la motion de la droite.

Jean-Marie Cavada a beaucoup insisté officiellement auprès des instances du parlement européen pour que le cas de RCTV soit inscrit à l’ordre du jour des urgences des droits de l’homme du Parlement européen (au même titre que les massacres, les disparitions forcées ou la torture).

Le 21 mai, le député Vert français Alain Lipietz proposait une motion, moins marquée que celle du PPE, mais en retrait sur ses déclarations passées après un voyage au Venezuela où il avait pu visiter des studios de télévisions (dont Vive TV) et se faire un juste opinion dont il avait honnêtement rendu compte. Sa motion regrettait que cette décision établisse « un précédent » et il sollicitait que le cas de RCTV soit examiné au sein des délégations et commissions compétentes du Parlement européen.

De Paris, le sénateur socialiste Jean-Luc Mélenchon, ami du Venezuela, informait les parlementaires socialistes français et européens. D’un peu partout, d’autres amoureux de la vérité et de la liberté interpellaient des responsables socialistes (dont Fabius, qui ne souffla mot).

Le groupe de gauche GUE/NGL (qui regroupe les communistes et les Verts nordiques), a présenté une résolution insistant sur le droit souverain du gouvernement vénézuélien de réguler son espace audiovisuel et de son obligation constitutionnelle de ne pas permettre des monopoles et des concentrations des médias.

En fin de compte, après une intense activité de ce groupe, un compromis put être signé sur une motion alternative incluant le GUE/NGL, le PSE (groupe du parti socialiste européen) et les Verts.

Ce compromis considère que le non renouvellement de la licence de diffusion VHF de RCTV par l’organe régulateur de l’espace hertzien vénézuélien a été justifié par l’appui de cette télévision à la tentative de coup d’Etat militaire de 2002, au blocage pétrolier de 2003 et par son comportement partial lors du référendum révocatoire de 2004, ainsi que par des violations répétées de la législation sur la protection de l’enfance, de la protection de l’image des femmes et des indigènes à la télévision ;

Il note que la question du pluralisme et de la liberté d’expression dans l’Amérique latine et (notez la malice) aussi dans l’Union européenne devrait être traité dans le cadre d’un dialogue constructif avec les structures de coopération parlementaires existantes entre l’UE et l’Amérique Latine ainsi qu’avec les représentants des gouvernements et de la société civile ; demande par conséquent aux délégations et commissions compétentes du Parlement européen de se saisir de cette question.

Il demande aux autorités du Venezuela, au nom de l’impartialité de l’Etat, de veiller à la non concentration des médias, la qualité, au pluralisme de l’information, et au respect des normes en vigueur.

Il appelle les médias vénézuéliens privés et publics au traitement objectif et impartial de la vie politique vénézuélienne ; soutient les médias qui assurent le pluralisme et la légalité démocratique.

Il prend note de l’annonce du gouvernement vénézuélien qu’il assumera strictement les décisions du pouvoir judiciaire au sujet de la RCTV ; il demande à toutes les parties de faire de même.

Ce dernier point est important : le Tribunal suprême de justice s’est prononcé le 23 mai en rejetant le recours de RCTV. La suppression d’un des canaux d’émissions d’une télé putschiste est donc non seulement légitime, mais légale au Venezuela. La distinction est faite entre le rôle de contre-pouvoir et celui d’incarnation du pouvoir.

Sentant le vent venir, les groupes de droite avaient in extremis modifié leur résolution dans un « compromis final » qui n’appelle plus le tribunal à trancher, mais qui déclare par avance sa décision nulle au prétexte qu’il « n’a pas respecté le délai légal pour statuer ».

Autre version chez Reporters sans frontières dont un communiqué, « déplore » la décision du Tribunal car « la licence est valable jusqu’en 2022 », fable inventée par Marcel Granier, qu’aucun parlementaire européen n’a jugé utile de reprendre. RSF précise en outre qu’elle a envoyé au Venezuela des représentants pour soutenir RCTV et rencontrer les médias et les autorités concernées.


Cette décision de Justice a de quoi laisser muets nos parlementaires européens, qui l’étaient déjà lors de la suppression par notre CSA de la licence de TV6 en 1987 et d’Al Manar, en 2004, par la mise en demeure par le CSA, le 21 mai 2007, d’Eutelstat de ne plus diffuser Al Jazeera, par la révocation en Espagne de la concession de TV Laciana en 2004 et de TV Catolica en 2005, la fermeture de TeleAsturias en Mars 2007 par la révocation au Royaume-Uni de la licence de One TV, d’Actionworld et de StarDate TV.24 en 2006, de Look 4 love 2 en 2007.

Mais, s’il s’agit d’observer leur vigilance relative à l’Amérique latine, on risque de déplorer un tri sélectif : en avril 2007, le Pérou a fermé deux chaînes de télévision pour infraction à la réglementation. En 2003, Le Salvador a révoqué la concession de Salvador Network.

Plus au Nord sur le continent américain ? En 1999, le Canada révoque la concession de Country Music Television (CMT). En 1969, les Etats-Unis révoquent la concession de WLBT-TV, en 1981 de WLNS-T, en 1998 de Daily Digest et en 1999 de FCC Yanks Trinity License.


La résolution de la droite du parlement européen contre le Venezuela, a été votée sournoisement le 24 mai, sans quorum, en détournant la procédure des urgences pour les droits de l’homme, conçue pour des sujets consensuels de défense des libertés fondamentales.

Sur 785 députés, 65 seulement étaient présents. Le vote a été acquis par 43 voix contre 22.
Jean-Marie Cavada n’a pas daigné descendre de son bureau à l’hémicycle pour assister au débat ou participer au vote des résolutions..... Parmi les rares députés français présents pour le vote, on remarquait Pervenche Bérés (PSE) et le communiste Francis Wurtz (GUE/NGL).

Ce vote est bien, ainsi que le reconnaissent sans difficulté des parlementaires de droite dans les couloirs de Strasbourg, « un vote politique ».

L’objectif est en effet de punir un pays qui prétend récupérer ses richesses naturelles, aider les autres pays de la région à se soustraire à la misère et à l’Empire, qui vient de se retirer du FMI et de la banque mondiale, qui projette de créer une banque du Sud.

A la tête de ce pays, un homme qui gagne élections sur élections, porté par son peuple, malgré la violence de médias appartenant pour l’essentiel à l’opposition.

Maxime Vivas


PS.

- La résolution finale de la droite et extrême droite ne parlait plus de « condamnation » à disparaître pour RCTV mais de « risque » de disparition.
Longue est la route qui serpente devant les vérités évolutives.

- Au moment où j’écris ces lignes (vendredi 25 mai, 10 heures à Caracas), je ne suis pas en mesure de connaître la liste nominative des députés qui ont voté cette résolution. Nul doute que les lecteurs l’obtiendront et l’ajouteront en commentaire à cet article.




RCTV : au Parlement européen, la droite et Reporters Sans Frontières se liguent contre le Venezuela, par Bernard Cassen et Christophe Ventura.


Venezuela : Chávez, les putschistes, la télé et le peuple, par Maxime Vivas.

Quelle sorte de dictateur êtes-vous, Monsieur Chavez ?

Par Javier Adler

Texte paru sur le site de "Rebelión"

Traduction de Antonio L. dédiée à l’inénarrable Paolo A. Paranagua, "spécialiste" de l’Amérique Latine au "prestigieux" journal Le Monde et à ses congénères de Libération et d’ailleurs !




Monsieur Chavez,

J’observe depuis des années votre étrange comportement comme dictateur. Passe encore que vous arriviez au pouvoir par des élections après tout il faut bien y arriver d’une façon ou d’une autre, mais ce qui suit est injustifiable !

- Primo, vous vous proposez de changer la Constitution et pour cela vous ne trouvez rien de mieux que de consulter le peuple. Qu’est-ce à dire ?... Pire encore, vous convoquez des élections pour élire les membres de l’Assemblée Constituante puis une autre consultation pour approuver la Constitution. Inexplicable du point de vue des principes de la dictature.

- Deuxièmement, nouvelles élections en 2000 et ensuite d’autres élections successivement dans des secteurs moins importants. Mais pourquoi ? Oublieriez-vous par hasard que vous n’avez pas besoin de l’approbation du peuple ? Et maintenant vous menacez encore de nouvelles élections en 2006 ! Reprenez-vous, Monsieur Chavez ! Un peu de bon sens avant qu’il ne soit trop tard !

- Troisièmement, on tente un coup d’état contre vous et lorsque le Tribunal Suprême relaxe les putschistes... vous acceptez le verdict ! Mais quelle sorte de dictateur totalitaire et bananier procède de cette façon ? Au nom du ciel, même les fameux pistoleros n’ouvrirent le feu contre aucune manifestation et il n’étaient pas non plus à votre solde. Les médias ont été obligés de faire un montage mais seulement pour vous tirer de l’embarras afin que personne ne puisse dire que vous n’êtes pas un dictateur. Cessez de vous appuyer sur les médias, Monsieur Chavez, et soyez un dictateur par vos propres mérites.

- Quatrièmement, l’opposition sabote l’économie (parce que, dans votre insolite dictature, il y a une opposition) et la seule chose qui vous vient à l’esprit c’est de licencier (légalement !) quelles cadres de PDVSA. Là, il n’y a aucune excuse possible, Monsieur Chavez : vous avez eu deux mois pour réagir et tirer quelques coups de feu, emprisonner des gens, décréter quelques états d’exception, etc. Bref, comme n’importe quel dictateur qui se respecte !!

- Cinquièmement, le référendum révocatoire. Non seulement vous introduisez cette possibilité dans la Constitution -ce qui est du jamais-vu pas seulement chez les dictateurs mais dans les gouvernements démocratiques- mais en plus, tranquillement, vous permettez qu’il soit mené à terme. Et n’essayez pas de nous raconter que vous pensiez arranger les résultats, parce que les observateurs internationaux ont affirmé que le scrutin était « propre ». Oui, oui, une élection propre, ne le niez pas !

Pour résumer, c’est bien que vous revêtiez de temps en temps l’uniforme et que vous chantiez à la télévision. Mais pour le reste, votre comportement comme dictateur laisse beaucoup à désirer. Et pourtant ce n’est pas faute d’avoir reçu des médias les rappels quotidiens de votre nature autoritaire.

C’est déjà largement suffisant que nos démocraties se comportent anti-démocratiquement ; si en plus les dictateurs ne se comportent pas comme tels !...

S’il vous plaît, un peu de cohérence.

Bien à vous

Javier Adler

http://www.rebelion.org/noticia.php...

http://www.bellaciao.org/fr/article...

Le Monde encense un journaliste de RCTV

Par Romain Migus

Paolo A. Paranagua se trouverait donc à Caracas si l'on en croit la mention "envoyé spécial" qui accompagne ses récents articles de propagande contre le gouvernement bolivarien.

Cette fois, c'est le portrait d'une "grande vedette de la télévision vénézuélienne", qu'il nous dresse dans Le Monde du 25 mai 2007 (1). Il s'agit de Miguel Angel Rodriguez, présentateur de l'émission "La entrevista" diffusée tous les matins sur RCTV, le TF1 vénézuélien.

Cette émission n'est pas critique par rapport à l'action du gouvernement, elle est carrément hostile. Tous les moyens sont bons pour discréditer le gouvernement. Du trucage médiatique aux plus grosses calomnies.

Le 5 mai au matin, les Vénézuéliens qui se réveillent avec Miguel Angel Rodriguez ont été témoins d'une manipulation de la sorte. Le présentateur commente un extrait de la conférence de presse du directeur du Corps d'Investigation Scientifique, Pénale et Criminelle (CICPC, l'équivalent vénézuélien du FBI). Lors de sa déclaration, le directeur du CICPC, Marcos Chavez, énumère les 219.000 DELITS (delitos en espagnol) commis au Venezuela depuis 2004. Une légère baisse, mais le chiffre reste élevé.

Mais Miguel Angel s'emballe, il a déjà son scénario tout prêt : "Chers téléspectateurs, nous allons repasser en image cette déclaration." On peut alors réécouter Marcos Chavez parler de 219.000 délits commis. Miguel Angel regarde alors la caméra fixement et, avec une rage quasi-hystérique, il hurle au téléspectateur : "Rendez-vous compte ! 219.000 homicides depuis 2004, mais dans quel pays vivons-nous ?"

Peut-il se tromper alors qu'il vient lui-même de diffuser deux fois l'extrait de la conférence de presse, qu'il vient d'écouter, par deux fois, le directeur du CICPC parler de "délits" et non d'homicides ? Jusqu'à preuve du contraire, le vol d'un téléphone portable, même si cela reste un acte punissable, n'est en rien comparable à un assassinat.

Autre exemple des pratiques de notre présentateur – star… Peu avant les élections présidentielles de décembre 2006, le Conseil National Electoral (CNE) interdit aux médias nationaux de publier des sondages à la sortie des urnes. Cette pratique a été une tactique essentielle des diverses "révolutions oranges" en Europe de l'Est et au Caucase, où l'entreprise étatsunienne Penn, Schoen & Burland, diffusait des sondages trompeurs présentant toujours le camp pro-étatsunien comme largement vainqueur. (2)

Au Venezuela, la même tactique avait déjà été utilisée durant le référendum révocatoire en aout 2004. Penn, Schoen & Burland donnait l'opposition gagnante avec 60%. En réalité, ce fut Chavez qui obtint ce chiffre, les résultats officiels étant confirmés par tous les observateurs internationaux.

Devant cette interdiction de diffuser des sondages sortie des urnes, Miguel Angel Rodriguez s'insurge. Il y a de quoi, le pouvoir électoral vient de couper l'herbe sous le pied de l'opposition putchiste : "Mais enfin, la publications des sondages à la sortie des urnes est une pratique UNIVERSELLE !", prétend-il.

Chers lecteurs français, il ne sert à rien que vous écriviez à ce "grand journaliste" pour l'informer qu'en France aussi, c'est interdit. Miguel Angel - qu'on ne peut qualifier d'idiot - le sait très bien. Mais il a ainsi injecté à ses téléspectateurs un sentiment d'injustice flagrante. Les amenant à soupçonner la préparation d'une fraude généralisée.

De tels exemples, nous pourrions les multiplier.Nous pourrions rajouter que les partisans du gouvernement sont régulièrement qualifiés de "milices", de "guérilleros urbains", et "d'envahisseurs" dans le cas des paysans sans terre. En fait, Miguel Angel Rodriguez, bien loin d'exercer la noble profession de journaliste, est un acteur politique sans scrupules à qui RCTV a offert deux heures de grande audience.

Visiblement, l'envoyé spécial du Monde, Paolo A. Paranagua n'a pas pris le temps de visionner l'émission de RCTV avant de faire l'éloge de son présentateur. Ou alors partagerait-il les mêmes valeurs d'information partiale et réactionnaire de son homologue vénézuélien ? Cette partialité serait alors inquiétante pour le droit à être informé dont tous les citoyens français devraient jouir.

Comment expliquer cette partialité de Rodriguez ? L'avocate Eva Golinger (3) s'y est attachée. Elle vient de dévoiler des documents déclassifiés des Affaires étrangères étasuniennes. Ces documents établissent que le héros de Monsieur Paraguana a reçu, comme une quinzaine de journalistes de l'opposition, une bourse de ce ministère.

Miguel Angel Rodriguez a recu un financement de 6.085 US$. L'intéressé ne démentira pas. Comment le pourrait-il ? Il se contentera de souligner que 6.085 US$, ce n'est pas une grosse somme (juste vingt fois le salaire minimum vénézuélien). Il ajoutera que cette somme à laquelle se rajoutent ses nombreuses notes de frais lui a été allouée pour participer à un programme du Département d'Etat nommé "The Role of Media in US Society" (le rôle des médias dans la société étasunienne).

Certes, il ne s'agit que d'une bourse émanant du gouvernement des Etats-Unis. Mais sur ce point la loi étasunienne est formelle : "Les personnes ou organisations qui reçoivent des financements, des bourses ou des dons d'une agence des Etats-Unis sont considérés comme du personnel et protégés par la loi comme employés ou contractés du gouvernement des Etats-Unis." (5 U.S.C. § 552 (b)(6), Norwood v. FAA, 580 F.Supp. 994 (WD Tenn. 1983).

Pourquoi donc Paolo A. Paranagua, quand il fait l'éloge de Miguel Angel Rodriguez, omet-il de préciser qu'il défend un employé du gouvernement des USA, lequel est impliqué dans un coup d'Etat contre le gouvernement bolivarien ? Pourquoi donc le Monde ne publie-t-il pas un rectificatif ou une modération de l'article de Paranagua ? Pourquoi donc les citoyens français doivent-ils être manipulés de la même manière que les Vénézuéliens le sont par leurs médias commerciaux ?

Les révélations d'Eva Golinger ne s'arrêtent pas là. En effet, un autre document déclassifié du département d'Etat, datant de mars 2001, indique : "Comme dans presque tous les programmes du "journalisme IV" [le programme mis en place par le département d'Etat qui concerne ces journalistes vénézuéliens], notre objectif est d'informer le participant sur les pratiques et règles du journalisme aux Etats-Unis, particulièrement dans le domaine du journalisme civique, pour pouvoir influer sur la manière, et plus tard, sur la couverture donnée sur des sujets importants de la politique extérieure étasunienne, et pour consolider le processus démocratique aux Venezuela."

Les objectifs de ce type de programme d'échange sont donc limpides. Il s'agit ni plus ni moins que de s'installer confortablement au cœur des médias commerciaux vénézuéliens pour orienter l'opinion vénézuélienne en faveur des intérêts du gouvernement US. Ainsi, Paolo A. Paraguana nous indique que Miguel Angel Rodriguez "verrait bien le chef de l'Etat comparaître devant des tribunaux ou devant une cour internationale pour "violation des droits de l'homme". Rien que ça ! Cette Cour sera-t-elle financée par les Etats-Unis comme le Tribunal Pénal International pour la Yougoslavie ? Chavez pourrait-il alors mourir en prison avant d'être jugé, comme Milosevic ? En tout cas, cette remarque de l'employé du Département d'Etat n'a pas choqué l'envoyé spécial du Monde. Quant à la "consolidation du processus démocratique au Venezuela", ce sont précisément les Etats-Unis et leurs employés qui l'ont à maintes reprises bafouée, notamment en organisant le coup d'Etat de 2002.

Encore plus éclairant, et permettant de dissiper les derniers doutes : le rapport émis par le Département d'Etat sur Enrique Reynaldo Trombetta, un autre participant au programme "journalisme IV" : "Nous espérons que la participation de Mr. Trombetta comme boursier de type IV sera directement reflétée dans ses reportages sur des thèmes politiques et internationaux. Au cours de son ascension dans sa carrière, nos liens profonds avec lui signifieront un ami potentiel important en position d'influence éditoriale. (…) Ceci veut dire qu'il aura une influence significative sur les autres journaux en ce qui concerne les sujets importants pour l'ambassade, comme l'ALCA et la politique anti-terroriste. Cela pourra se traduire par une compréhension meilleure et une sympathie pour les positions des Etats-Unis, et ça se reflétera dans ses reportages." (Document déclassifié du Département d'Etat datant d'août 2002, soit quatre mois après le Coup d'Etat).

L'objectif est clair et la technique n'est pas neuve, elle a déjà fait ses preuves dans d'autres pays avec d'autres "journalistes indépendants". Nous imaginons certainement que Paolo A. Paraguana - qui ne débute pas dans le métier - a déjà entendu parlé de ce type de pratique du gouvernement des Etats-Unis. Alors pourquoi avoir dressé une telle hagiographie d'un employé du gouvernement des Etats-Unis ? Le rôle du Monde ne devrait-il pas être d'informer les lecteurs français sur ce qui se passe vraiment au Venezuela ?

Le journaliste du Monde, dont l'objectif de la présence à Caracas nous échappe, n'a donc pas assisté à la conférence de presse où l'avocate Eva Golinger a dévoilé ces documents du Département d'Etat que nous mentionnons. Certainement trop occupé à se faire le porte-parole de l'opposition vénézuélienne radicale, Paranagua n'a même pas lu tous les journaux qui se font l'écho de cette conférence de presse. Le lecteur du Monde n'en saura donc rien.

Pourquoi ?


Notes:

(1) Paolo A. Paranagua, "Miguel Angel Rodriguez, une voix de trop pour Hugo Chavez", Le Monde, 25/05/07. http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3222,36-914730@51-897252,0.html

(2) Voir Romain Migus, "Derrière le masque démocratique de l'opposition vénézuélienne", Risal, http://risal.collectifs.net/article.php3?id_article=1965

(3) Auteur en français de l'ouvrage incontournable : Code Chavez : CIA contre Venezuela, éd. Oser Dire, 2006. Ouvrage disponible en écrivant à nessa.kovic@skynet.be