Edito du Monde...

Photo - San augustin - Caracas - Pierre-Charles Marais


Chaque jour avant de dormir, je lis Le Monde, en ligne. C'est ma connection avec la France, pour moi qui vis au Venezuela depuis un an et demi. Aujourd'hui, il est tard et je suis fatigué, mais c'est plus fort que moi, je viens de lire l'éditorial du Monde de ce jour et je suis consterné! Quelles sont ces accusations gratuites qui dénigrent le Venezuela et Chavez, tant par les idées non argumentées que par des sous-entendus méprisants.


Une chose est sûre: ma réalité, jour après jour dans le barrio, n'est pas celle du journaliste qui a écrit cet édito.


Les médias français sont les mêmes que ceux du Venezuela, d'un côté comme de l'autre, ils ne pensent qu'à eux. Le Monde, malgré sa réputation de journal sérieux, à l'heure de parler de Chavez se laisse aller à des supositions et relaie les impressions de la classe haute du Venezuela.


CA ME FOUT LA HARGNE!


J'imagine ces franchouillards qui se la passent dans les beaux hotels de Caracas, paient un guide pour faire un tour dans un quartier pauvres, et reviennent tout persuadés de leurs convictions d'occidentaux.

Ben oui, dans le pays de Sarkozy, la corruption n'existe pas, les abus de pouvoir non plus, et la manipulation médiatique, non, bien sûr que non.


Mais pour donner quelques exemples, vous en connaissez beaucoup des pays (des jolis pays démocratiques, comme la France, par exemple), où:

- de très nombreuses personnes, sinon la plupart, ont lu la constitution et en connaissent des passages par coeur?

- l'ensemble de la population peut participer à des assemblées locales régulières qui discutent des politiques locales et ont reconnaissance du gouvernement et possibilité de monter leurs propres projets?

- où la modification de la constitution est soumise à un débat dans la population, diffusée jusque dans la rue puis soumise à référendum?

- où toute personalité élue (maire, gouverneur, président) peut être viré de ses fonctions à la moitié de son mandat si une pétition réunissant 20% des électeurs le demande?

- où le gouvernement fout dehors le FMI et autres bailleurs de fonds internationaux qui pressionnent les états du monde entier à une privatisation tout azimut dans le seul but de rembourser leur dette publique

- où l'opposition peut appeler au coup d'état, à l'assassinat du président, sans être inquiétée plus qu'avec quelques bombes lacrimogènes, alors que les mêmes scandent qu'il n'y a pas de liberté d'expression et que le Venezuela est en dictature

- où le dictateur de type castriste, comme le dit le Monde, a été réélu à 63% (et son parti lors de 9 élections consécutives)


Ceux qui se plaignent de Chavez, ceux qui crient à la dictature, sont tous ceux qui perdent leurs privilèges!


Un petit exemple personnel: vendredi dernier, moi et mes compagnons du groupes des "Etudiants Socialistes" que nous avons monté dans ma Fac d'Archi, nous avons perdu les élections étudiantes. Pas de surprise, l'Université Centrale du Venezuela ne compte que 0.7% d'étudiants issus de la classe pauvre, et l'université est le symbole de l'opposition à Chavez. Les étudiants sont contre Chavez, disent les médias!


Eh oui, ces étudiants issus des classes moyenne et hautes, héritiés de privilèges qu'ils ne veulent pas perdre, fils de deux générations qui ont construit un Venezuela qui depuis 50 ans emmagazine l'argent du pétrole en laissant 60% de sa population sous le seuil de pauvreté, c'est gens là ne sont pas content qu'aujourd'hui, on parle de révolution!


En 8 ans de gouvernement, bien des choses ont changé au Venezuela. Le niveau de vie de la classe populaire s'est formidablement élevé. Bien des problèmes restent, cependant, par exemple la corruption (mais ne croyez pas qu'elle est arrivée avec Chavez), ou l'insécurité qui est un problème majeur.


L'implication de la population dans la vie politique me parait le signe d'une démocratie d'une vigueur exceptionnelle. Ici, on parle de politique chaque jour, l'Assemblée Nationale reçoit et écoute les groupes de manifestants, les déclarations et débats politiques sont diffusés sur l'ensemble des chaînes télévisées, on organise des débats politiques à tous les coins de rue, et on va dire que tout ça est une dictature?


A ce que je sache, ce qu'on appelle la "réélection indéfinie" en commentant sans se cacher qu'elle fera de Chavez un roi à vie, est une mesure qui existe bel et bien en France, où Mr. Sarkozy sera élu autant de fois que le peuple français le voudra. Chavez de même. Autant de fois que le peuple le voudra.


Et j'oubliais, quelques extraits: "Le Venezuela en est réduit à vendre du brut et à importer pratiquement tout ce dont le pays a besoin", "la militarisation de la vie politique, s'accompagnent d'une corruption sans précédent", "Le populisme n'est une bonne solution nulle part".


Est-ce que ça c'est du travail de journalisme? C'est de la propagande! Pas de faits, pas de chiffres, juste des suppositions. Il est beau le journalisme français!


A quand un article sur les dérives autoritaires de Sarkozy? Je suis sûr qu'il y a de quoi dire! Mais non Sarkozy ne s'oppose pas au modèle néo-libéral mais bien au contraire affirme que "tous les pays ont fait ces réformes [néo-libérales], il n'y a pas de raison pour que la France ne puisse pas les faire". C'est moins facile de dire que la démocratie est faible en France, qu'on vote une ou deux fois tous les 5 ans pour déléguer tous les pouvoirs à quelques personnes qui obéissent aux intérêts de ceux qui les financent, sinon de leur mafia... Eh oui, chez nous les politiques ne sont pas populistes, donc on ne les accuse pas d'être des dictateurs.


Je vais vous demander une faveur: interrogez-vous, un moment, au calme, sur ce qu'est la démocratie. Sur ce que sont les élections. Sur notre rôle dans les décisions politiques qui nous concernent. Rien de plus.


J'espère que vous aurez compris que vraiment, ça m'énerve de lire les articles du Monde sur Chavez. Du coup, je me fais plus sceptique sur d'autres sujet, j'imagine que le même traitement est fait au reste de l'information internationale.

Il me reste plus qu'à aller vivre en Iran, au Pakistan et en Lybie pour aller voir ce qu'il en est.



Publié dans les commentaires du site lemonde.fr par Pierre-Charles Marais

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