Le Venezuela paysan

crédits photo: Pierre Doury

Par Teodoro Guevara et Arturo Alvarez Vega.

Membres de la Coordination nationale du Movimiento Agrario Ezequiel Zamora (mouvement agraire Ezequiel Zamora , MAIEZ, organisation affiliée à la Coordinadora Agraria Nacional Ezequiel Zamora, CANEZ). Ils militent l'un et l'autre depuis plus de 40 ans dans le mouvement paysan vénézuélien.


Extrait de "Vía Campesina: une alternative paysanne à la mondialisation néolibérale " (voir informations en fin de l'article)


Venezuela : les lois sur la terre et sur la pêche, des lois pour venir à bout de la pauvreté et de la dépendance

Ce bloc de lois, approuvé par l'exécutif après une intense période de consultations, d'investigations et de discussions, a soulevé l'ire de petits mais puissants secteurs du pouvoir économique du pays. Alarmés, ceux-ci se sont mobilisés pour tenter de pervertir le contenu progressiste et solidaire de ces mesures et s'opposer à une modernisation de l'appareil économique ; ils en ont fait l'enjeu d'un conflit politique avec pour seule fin de défendre leurs intérêts particuliers et de perpétuer un système totalement injuste et irrationnel qui, au cours de ces quarante dernières années, n'a apporté aucun progrès dans l'économie et la production nationale. Ces groupes d'opposants furent ceux-là mêmes qui, durant toute cette période, vécurent grassement de subventions gouvernementales, sans rendre de comptes à la nation, comblés qu'ils étaient par des gains faciles.

Aucun doute n'est possible. Pour le peuple vénézuélien, pour les travailleurs et les travailleuses, ces lois constituaient un bienfait qui se traduit aujourd'hui par un ordre juridique plus juste et conforme à la Constitución bolivariana - approuvée par référendum par une immense majorité des Vénézuéliens, y compris par nombre d'entrepreneurs honnêtes qui, en soutenant la production nationale et en s'opposant à l'emprise réactionnaire des sociétés transnationales, bénéficient du coup d'une certaine protection de leurs propres investissements.

Les travailleurs et les travailleuses de divers secteurs ont montré leur appui à ces lois, entrées en vigueur en novembre 2001. Ils ont infligé un cinglant démenti au discours du président de la Confédération des travailleurs du Venezuela et mis à nu autant son peu de représentativité que l'illégalité de son pouvoir en faisant échec au coup d'Etat fasciste du 11 avril dernier, dont l'un des buts était justement d'en empêcher l'application.

Les Lois sur les terres et sur la pêche

Savez-vous qu'à elles seules huit familles du pays possèdent conjointement plus de 150 mille hectares de terrains ? Pouvez-vous seulement l'imaginer ? Cela représente à peu près l'équivalent de dix-huit fois la surface de la capitale du Venezuela, Caracas, où vivent plus de 4 millions de personnes. Savez-vous de surcroît que ces immenses biens fonciers demeurent la plupart du temps non cultivés, alors qu'ils sont situés dans les régions les plus fertiles du pays ? Eh bien, ce sont ces familles qui ont pris la tête de l'opposition à la Loi sur les terres et le développement agraire (Ley de Tierras y Desarrollo Agrario). De plus, il y a lieu de souligner ici que certaines grandes exploitations, comme par exemple la compagnie de production de liqueurs Santa Teresa, implantées dans les vallées de l'Aragua, ne disposent d'aucun titre de propriété sur les terres qu'elles occupent.

Et l'on pourrait multiplier les exemples de l'inégale distribution des terres dont la révolution bolivarienne a hérité. Une grande partie des exploitants ne pouvaient légitimer leurs possessions, beaucoup de leurs titres de propriété étant des faux ou résultant de successions provenant de " cadeaux " offerts par des gouverneurs de province, des présidents d'Etats ou du président de la République, faits non seulement à l'époque plus obscure de la fin du 19e siècle, mais longtemps encore au cours du 20e.

Les détenteurs de terre qui s'opposent à la loi sont les premiers à prétendre que celle-ci constitue une " offense à la propriété " au motif qu'elle les oblige à payer un impôt si ces étendues, parmi les plus productives du pays, restent inutilisées. Or qui sont ces gens ? Il s'agit de secteurs parasites qui jouissent de revenus facilement acquis et qui pratiquent l'élevage sur des sols qui conviendraient pourtant tout particulièrement à l'agriculture, sans même apporter un quelconque développement à ce domaine d'activités. Ce sont les secteurs qui profitent de l'agriculture " de port ", qui l'encouragent même, renforçant du même coup la dépendance agroalimentaire du pays, tout en vivant de subsides d'Etat dont ils ne rendent aucun compte.

La loi met en place un ensemble d'avancées qui fortifient le mouvement paysan, la sécurité agroalimentaire et le développement de l'appareil productif. Elle protège les paysans pauvres, stimule la formation de coopératives et d'autres formes de production associatives en les soutenant financièrement et techniquement et en créant parallèlement les conditions de leur viabilité économique par la mise en place des voies de transport et de commercialisation nécessaires.

La Ley de Tierras y Desarrollo Agrario a permis de lancer un processus de répartition plus équitable de la richesse agricole en régularisant le partage de la terre entre paysans par l'intermédiaire de l'Institut national des terres (Instituto Nacional de Tierras). Elle a redonné à la terre sa fonction sociale et valorisé son potentiel productif ; elle a stimulé la construction de centres de population ruraux dotés de services, donnant à leurs habitants accès à la santé, à l'éducation, à une vie digne.

Ce nouvel instrument légal, fondamental en ce qui concerne le processus de libération national initié au Venezuela pas la révolution bolivarienne, vise une harmonisation du développement agropastoral, la réduction et, à terme, l'élimination de la dépendance alimentaire, la conservation et la protection de l'environnement, l'équilibre écologique.

Cette Loi a renforcé l'organisation, la mobilisation et la participation du mouvement paysan et des populations rurales, qui représentent entre 12 et 15 % de la population du pays. Elle ouvre une contradiction fondamentale entre, d'une part, les intérêts du pays, son indépendance, sa souveraineté, ainsi que les droits et les aspirations légitimes des campagnes et, d'autre part, les intérêts mesquins des latifundistes et autres accapareurs de terre. Ce qui est en jeu est la récupération de la fonction sociale de la terre, la poursuite de la lutte pour l'égalité et la justice entreprise par Ezequiel Zamora, surnommé par ses successeurs " le Général du peuple souverain " (el General del Pueblo Soberano) et dont les consignes étaient : " Terre et hommes libres, respect du paysan et élimination des usurpateurs et nobliaux ".*

Cette Loi va de pair avec celle sur la pêche (Ley de Pesca y Acuacultura)**, entrée en vigueur conjointement, afin d'actualiser les politiques et législations étatiques dans ce domaine. Elle réglemente l'exploitation halieutique en protégeant le milieu naturel, en favorisant les pêcheurs artisanaux et en imposant des limites à la pêche industrielle (fixées à six mille marins des côtes maritimes et à dix mille des côtes insulaires), ce qui a pour effet de réduire au maximum les dommages à l'écosystème marin et de garantir aux petits pêcheurs des possibilités réelles de développement et de productivité.

La Loi sur la pêche stipule une protection sociale obligatoire pour les marins embarqués sur les barques de pêche, la reconnaissance des droits sociaux et du travail dans ce secteur où traditionnellement les travailleurs étaient surexploités et sans protection. Elle prévoit un ensemble d'amendes et de sanctions en cas d'infractions commises par les industriels et supprime la réelle impunité dont jouissaient auparavant ces derniers, lorsqu'ils pénétraient dans les zones de pêche réservées aux artisans, détruisaient leurs instruments de travail ainsi que les milieux marins, et n'avaient à payer que des amendes dérisoires. Elle permet de plus de briser les filières d'intermédiaires et de rabaisser le prix des produits marins pour les consommateurs.

Le mouvement paysan

Avant la tentative de coup d'Etat du 11 avril 2002, la vieille oligarchie du pays avait déjà entrepris de s'opposer à l'application de la Loi sur les terres en utilisant tous les moyens légaux et illégaux imaginables et en exerçant toutes les pressions possibles sur le gouvernement.

La remise des premiers titres de propriété s'accompagna des premiers attentats contre le mouvement paysan : Luis Mora, président du Bloc révolutionnaire de la région dénommée Sur del Lago, dirigeant et combattant de pointe de la cause paysanne qui travaillait à la mise en place des instruments de politique agraire régionaux, fut lâchement assassiné par des tueurs à gage le 10 janvier 2002, devant son fils de onze ans. Cet événement se produisit à peine quelque heures après un autre attentat, perpétré celui-ci à Macaraibo, contre José Huerta, à la fois ancien délégué de l'Institut agraire national (Instituto Agrario Nacional) et collaborateur du Ministère de l'agriculture, militant et dirigeant paysan et membre du Comité central du Parti communiste du Venezuela. D'autres leaders paysans ont également reçu des menaces de mort. Quant aux industriels de la pêche, ils avaient convoqué à une manifestation lors de laquelle ils avaient professé qu'on s'acheminait vers une pénurie de produits maritimes.

Tous ces efforts s'avérèrent vains. Le mouvement paysan continue à progresser en termes d'organisation, de formation et d'articulation à l'échelle nationale ; l'application des lois précitées se poursuit ; les mouvements populaires sont désormais traités en partenaires par le Ministère de l'agriculture et par l'Institut national des terres qui leur reconnaissent une voix décisionnelle dans la politique de développement agricole et de sécurité alimentaire.

Larges mobilisations paysannes face au coup d'Etat

Si quelques-uns signalent un certain désenchantement parmi les couches populaires, suite à une politique trop conciliante à leurs yeux du Président Chavez face à la bourgeoisie au cours des trois années précédant la tentative de coup d'Etat du 12 avril 2002, les reporters de la presse de gauche sont unanimes à souligner le rôle décisif joué par la campagne, aux côtés des ouvriers et des pauvres de la capitale, dans l'échec du golpe.

Andry McInerny, dans Mundo Obrero (New York) du 2 mai 2002, écrit que les 13 et 14 avril " des centaines de milliers de travailleurs et de paysans se sont dressés dans tout le pays pour faire échec au coup d'Etat ". " Des paysans de toutes les régions du Venezuela ", poursuit-il, " se sont massés dans des autocars en direction de Caracas pour protester contre cette tentative ".

Desde Abajo, périodique indépendant de la Colombie voisine, note également que " marchant vers la capitale, des milliers de paysans, bénéficiaires de la réforme agraire, se mobilisèrent spontanément " (10e année, No 67, mai 2002).

Perspectiva Mundial (New York, Vol. 26, No 5, mai 2002) insiste de même sur le " facteur décisif constitué par l'intervention des travailleurs et des paysans dans l'échec du coup d'Etat "...

Le mouvement paysan a joué, aux côtés d'autres secteurs sociaux, un rôle décisif dans les journées du 12, 13 et 14 avril 2002. Il poursuit la révolution bolivarienne en exerçant les pressions nécessaires pour débusquer ceux qui la sabotent et en trahissent les objectifs et se bat pour que les aigrefins qui tentent d'organiser des groupes paramilitaires, de terroriser le mouvement paysan et de contrecarrer le mouvement révolutionnaire, notamment dans la zone frontière avec la Colombie, soient poursuivis en justice et châtiés.

La coordination internationale des paysans vénézuéliens avec les autres mouvements paysans progressistes et révolutionnaires du monde (comme la Vía Campesina) est une nécessité impérieuse en cette période d'aiguisement des contradictions au Venezuela ; elle permettra au mouvement révolutionnaire bolivarien de mieux définir et délimiter ses objectifs et de renforcer son action face à l'ennemi intérieur qui, quoique affaibli, réagit de façon aussi désespérée qu'extrêmement dangereuse et qui peut compter sur l'appui économique et politique du principal centre de pouvoir dans le monde, l'impérialisme nord-américain.

Le processus révolutionnaire bolivarien a entamé une marche qui devrait l'amener à rendre au peuple ses droits et à satisfaire ses revendications bafouées par les " laquais de l'impérialisme ", selon l'expression consacrée. Parmi ces droits se trouvent en bonne place ceux pour lesquels lutte le mouvement paysan. Celui-ci se situe aux avant-postes du combat pour consolider et approfondir le processus révolutionnaire vénézuélien ; il est appelé à jouer un rôle de premier plan dans le renforcement et le développement des luttes populaires en Amérique latine et, plus généralement, du mouvement de luttes contre la mondialisation néolibérale.

POUR CONSULTER LE TEXTE DES LOIS MENTIONNÉES: www.pantin.net/leyes.htm (En espagnol). Contact pour cet article. CETIM cetim@bluewin.ch " Vía Campesina: une alternative paysanne à la mondialisation néolibérale. " Introduit par Rafael Alegria et Paul Nicholson. Postface de Jean Ziegler. Textes réunis par le CETIM en collaboration étroite avec Vía Campesina. CETIM - Centre Europe-Tiers Monde 6, rue Amat, CH-1202 Genève Tél.: (41) (22) 7315963 Fax: (41) (22) 7319152 www.cetim.ch

source : http://attac.org/indexfr/index.html

Venezuela : « Le processus révolutionnaire continue, mais les contradictions sont à l’œuvre »

Entrevue avec Stalin Perez Borges

Stalin Perez Borges, dirigeant syndical et militant trotskyste de longue date, est au cœur du processus révolutionnaire au Venezuela. Il est l’un des quatre « coordonnateurs nationaux » de la nouvelle - et aujourd’hui majoritaire - centrale syndicale, l’UNT. Il est aussi membre du « comité impulseur » du nouveau parti en formation, le Parti de la révolution et du socialisme.

par Fabrice Thomas, Yannick Lacoste

Peux-tu nous donner ton appréciation sur l’étape actuelle du processus au Venezuela ?

Stalin Perez Borges : Le processus révolutionnaire continue, mais les contradictions sont à l’œuvre, la corruption et l’inefficacité le minent. À l’occasion des récentes élections des conseils municipaux et conseils de quartiers, on a vu des affrontements entre les bases des partis chavistes et des secteurs dirigeants qui ont imposé bureaucratiquement leurs candidats. Pour l’instant, l’affrontement au sein du processus révolutionnaire avec ces secteurs conservateurs bureaucratiques gouvernementaux est surtout verbal. Mais nous pensons qu’il peut à l’avenir devenir beaucoup plus aigu et impliquer, surtout si l’affrontement avec l’impérialisme [1] devient plus tendu, un approfondissement considérable de la situation révolutionnaire.

Quelle est la situation au niveau syndical ?

Avec les crises du coup d’État contre Chavez [2], en avril 2002, le blocage pétrolier patronal de fin 2002-début 2003 [3] et la trahison ouverte de la vieille centrale, la CTV, les travailleurs ont compris la nécessité de prendre eux-mêmes en mains leurs organisations syndicales. C’est sur ce phénomène, à l’échelle de tout le pays, qu’une nouvelle centrale syndicale, l’Union nationale des travailleurs (UNT), s’est constituée. L’UNT s’est considérablement renforcée. C’est maintenant la centrale qui compte la majorité des organisations syndicales dans le pays. Il est difficile de chiffrer sa force réelle pour l’instant, mais nous pouvons estimer que nous sommes au-delà du million d’affiliés et que l’immense majorité des grands syndicats est affiliée à l’UNT. Au sein de la direction de l’UNT, il y a quatre tendances. Nous attendons le prochain congrès pour savoir si le secteur bureaucratique - un courant réformiste avec beaucoup de dirigeants corrompus et incompétents - est majoritaire. Il y existe aussi le courant de la « Force bolivarienne des travailleurs », qui est proche du pouvoir et qui est aussi un courant réformiste. Et puis, il y a le « courant classiste », dont beaucoup de cadres sont à l’origine de la fraîche création du Parti de la révolution et du socialisme (PRS).

Peux-tu nous en dire un peu plus sur le PRS ?

La création du PRS est une conséquence de cette bataille dans l’UNT. Dans la plupart des rencontres organisées dans tout le pays, la majorité des intervenants demandait la création d’une force distincte de celles qui, aujourd’hui, se réclament de Chavez, c’est-à-dire le MVR, le PPT, Podemos, le Parti communiste et quelques autres. Voyant cette nécessité, nous avons décidé de créer le PRS. Nous pensons que, dans la situation actuelle, les travailleurs ont besoin d’une organisation politique qui défende leurs intérêts, qui soit pour l’indépendance de classe et qui ait un projet anti-impérialiste bien défini. Au sein de notre courant syndical, certains nous reprochent ce projet. Il faut accomplir les deux tâches : la construction de l’UNT, comme centrale syndicale indépendante des partis politiques et du gouvernement, et celle d’un parti politique pour les travailleurs. La discussion de la création du PRS est actuellement menée conjointement par cinq groupes politiques distincts. D’autres organisations pourront élargir notre plate-forme politique, et nous espérons pouvoir annoncer la création officielle du PRS au début de l’année prochaine. Nous voulons programmer un congrès de fondation. Nous avons déjà un journal, Opcion socialistaOption socialiste »).

Ce projet nous a amenés à réaliser certains événements : le 9 juillet dernier, nous avons tenu un meeting national qui a rassemblé près de 450 personnes à Caracas. Nous avons fait, et nous allons faire, dans tout le pays d’autres meetings pour proclamer la nécessité d’une nouvelle organisation. Nous avons élaboré une plate-forme politique pour servir de base à la discussion.

Quelle différence y a-t-il entre le PRS et les partis chavistes officiels qui existent actuellement ?

Les organisations aux commandes du processus sont réformistes, staliniennes ou ultra-gauchistes, et elles ne permettent pas de lutter contre le caractère bureaucratique de l’État. Il est nécessaire d’assurer la transformation que demandent les masses populaires qui exigent une plus grande participation des gens. La population assume - c’est une caractéristique de ce processus - un certain pouvoir. On ne peut plus rien lui imposer, ni les dirigeants, ni les ministres, ni les patrons. Ce combat contre la bureaucratie, contre la corruption et contre le réformisme, commence à donner des résultats significatifs pour l’avenir du pays. Un exemple : la cogestion, c’est-à-dire le contrôle ouvrier et la participation directe des ouvriers dans l’entreprise d’État ou dans une entreprise privée. Des membres du gouvernement pensent que la cogestion est un risque, parce qu’une entreprise stratégique, comme par exemple PDVSA [la société pétrolière nationale], doit rester sous le contrôle des dirigeants de l’État.

En réalité, ils ont peur de la participation des gens. Nous travaillons beaucoup sur ces expériences de contrôle ouvrier. Donner le pouvoir aux gens, cela peut être le saut en avant nécessaire à la poursuite du processus révolutionnaire. Chavez dit qu’il faut donner le pouvoir aux gens, eh bien le pouvoir, c’est contrôler son usine, contrôler sa communauté et contrôler ceux que l’on élit. C’est pourquoi nous pensons que le PRS peut avoir une forte influence sur les travailleurs. Nous fondons de grands espoirs sur la construction de notre organisation, afin de permettre au Venezuela de passer rapidement de pures déclarations d’intention à de véritables mesures anti-impérialistes.

Propos recueillis par Fabrice Thomas, Yannick Lacoste.

NOTES:

[1] Consultez le dossier « Venezuela/Etats-Unis » sur RISAL (ndlr).

[2] Consultez le dossier « Coup d’État au Venezuela » sur RISAL (ndlr).

[3] Consultez le dossier « Lock out & sabotage pétrolier » sur RISAL (ndlr).

Publié dans : Rouge


Au Venezuela, l’entreprise pétrolière PDVSA attend sa « révolution dans la révolution »



Les travailleurs du pétrole de Puerto la Cruz qui avaient fait fonctionner seuls leur entreprise pendant la grève patronale de décembre 2002 [1] attendent toujours la cogestion promise par le président Chavez.

par Pierre Doury


Dans la salle de controle de chargement
du brut. Puerto La Cruz, 20 juillet 2005.


« Tu vois, quand j’y repense, deux ans et demi après, ça me donne encore la chair de poule ! » Fidel Rivera, 50 ans montre ses avant-bras pour confirmer ses propos. Il évoque la grève patronale de décembre 2002-janvier 2003 qui avait pour but de déstabiliser et renverser le gouvernement du président vénézuélien Hugo Chavez Frias.Et ses yeux sont humides. « Au moment de la grève les gens des communautés ont accouru pour défendre la raffinerie et contrôler les entrées et sorties des camions-citernes. Tous les "humbles", les gens du peuple, étaient là pour défendre leur pétrole, leur entreprise PDVSA. [2] »

Fidel est aujourd’hui le responsable de la salle de contrôle de chargement de pétrole brut du terminal pétrolier de Puerto la Cruz, sur la côte est du Venezuela. « C’est le seul qui répondait quand j’appelais depuis la raffinerie. Pendant trois jours il est resté seul au poste, ici », raconte Hector Rincon, qui travaille aujourd’hui comme informaticien sur un pôle de distillation d’essence, à un ou deux kilomètres du port.

Dans cette zone cruciale de la production pétrolière, pilier économique du pays, la résistance au lock-out organisé par l’opposition « anti-chaviste » a été farouche. « C’est la seule raffinerie qui a continué à fonctionner dans tout le pays », poursuit Hector. Au milieu de la salle de contrôle où s’alignent les écrans d’ordinateurs et retentissent sonneries et appels radio, Fidel désigne les quatre jeunes hommes qui s’affairent : « La grève a été très massivement suivie par l’ensemble des cadres supérieurs, mais chez les employés subalternes et les ouvriers, très peu ont quitté leur poste. Ca a vraiment été une grève des classes supérieures. Ceux qui travaillaient n’étaient même pas payés, car les grévistes avaient saboté pas mal de systèmes informatiques, dont celui de la gestion des paies. Pourtant, eux qui ne travaillaient pas touchaient leur salaire ! Il a alors fallu remplacer les absents pour pouvoir continuer à faire fonctionner l’entreprise. Des étudiants déjà formés, ou près de l’être sont venus spontanément proposer leur aide, ce sont eux qui sont aujourd’hui toujours en poste, comme ces ‘muchachos’ »

Sur les môles aussi, il a bien fallu se débrouiller. Eudis Valdez est l’actuel « superintendant » du port. Il était alors machiniste. « Un pétrolier abandonné par son équipage était en difficulté. Avec d’autres camarades, j’ai pris un remorqueur pour le sortir de là ». Noir, rond de visage et de corpulence, âgé de 46 ans, il affiche 26 ans de travail dans l’entreprise. « Ça a été un moment fort, mais en même temps très difficile. J’ai reçu des menaces de mort, des coups de téléphone directement chez moi. On me disait : ‘on sait qui tu es et où tu habites, on va tu tuer, on va tuer ton fils’. Mais à ce moment, la solidarité entre nous était très forte. D’autres camarades ont été menacés, mais on n’en tenait pas compte. Il a fallu gérer aussi des cas de sabotage, des moteurs de remorqueurs cassés, du sable avait été jeté dans certaines parties... ».

Dans la tour de contrôle, Fidel explique : « la raison d’être de ces installations est d’exporter le pétrole, brut en ce qui nous concerne, ou raffiné pour les autres môles. Or l’opposition faisait courir les pires informations, fausses, sur la situation. Ils effrayaient les pilotes des tankers, et aucun ne voulait entrer pour recevoir sa cargaison. Et nous avions atteint les limites de nos capacités de stockage, ce qui obligeait à diminuer toute la production en amont : extraction, raffinerie. Il a fallu que des camarades aillent chercher le capitaine d’un bateau, le convainquent de venir voir par lui-même, pour que le premier pétrolier entre enfin au port. C’était le Josefa Camejo, du nom d’une héroïne de l’Indépendance... »« Je crois qu’on peut être très fiers de ce qu’on a fait. Les cadres nous pensaient incapables de faire fonctionner les installations. En réalité, on sait les faire marcher mieux que personne », raconte, ému lui aussi, Miguel Campos, la trentaine et 6 ans « de boîte », « et le reste on l’a appris. »

C’est ainsi que les 18 000 « grévistes » qui ont perdu leur emploi après trois mois de « grève » ont été remplacés par une « promotion » de ceux qui sont restés. De nombreux employés, à l’image d’Eudis sont passés de techniciens à ingénieurs, voire responsables de secteur. Une université maison a même été mise en place pour promouvoir cette ascension et consolider les connaissances des travailleurs volontaires.

« En réalité, pendant deux mois, ce sont les travailleurs eux-mêmes qui ont fait fonctionner PDVSA, avec les rares cadres qui refusaient cette grève politique. » Hector, qui est aussi militant du syndicat Fedepetrol et d’un courant politico-syndical révolutionnaire, Opcion Clasista, revient sur cette expérience.

« A tous les niveaux : raffinerie, secteur portuaire, distribution, les ouvriers, les techniciens, avec l’aide massive des communautés populaires et des militaires de la troupe, restés eux aussi massivement fidèles au ‘processus’ lancé par Chavez, ont de fait géré et sauvé de la catastrophe économique la grande entreprise nationale PDVSA. Nous avons vécu deux mois de gestion ouvrière. Et dans des conditions particulièrement difficiles. Pourtant, le ministre de l’Energie a déclaré récemment que l’industrie pétrolière, comme élément stratégique de notre économie nationale, ne pouvait être laissée aux mains des seuls travailleurs. Il a catégoriquement rejeté l’idée de cogestion ouvrière de l’entreprise. »

C’est pourtant sous l’impulsion de Hugo Chavez lui-même que cette idée a été inscrite comme un modèle à développer et à étendre. Des entreprises en faillite ont ainsi été « récupérées » par leurs propres travailleurs, comme l’entreprise papetière Venepal, devenue Invepal, ou la fabrique de valves destinées à l’industrie pétrolière Inveval.

Numa Lozada est ingénieur chimiste, cadre supérieur « sans poste fixe » pour le moment : « c’est une mesure de rétorsion. Il reste encore une nombreuse bureaucratie au sein de l’entreprise, toujours opposée à la politique de l’actuel gouvernement. Certains continuent à détourner des fonds, à arranger des concessions ou des partenariats avec des entreprises étrangères qui ne respectent pas les normes fixées par la loi en termes de royalties pour l’Etat et l’entreprise PDVSA. Et ils continuent à mener une répression interne. Beaucoup de camarades ont été mutés arbitrairement à l’autre bout du pays, certains sont en cours de licenciement pour des motifs fallacieux. »

Dans son cas, c’est sa participation active à la remise en route de l’entreprise, et ses sympathies pour Opcion Clasista, révélées lors de la « grève » qui lui ont valu, selon lui, cette « mise au placard ». « Beaucoup d’employés ont été licenciés pour avoir participé à cette grève de sabotage, poursuit-il. Pourtant, on a proposé à ceux qui voulaient y renoncer de réintégrer leur poste, ce que certains ont fait. En échange, près de 10 000 embauches ont été réalisées. Il y a un certain renouveau du personnel, mais la bureaucratie est toujours là, à PDVSA comme au ministère de l’Energie, et les principaux fomenteurs du lock-out n’ont jamais été inquiétés. Il resterait beaucoup de ménage à faire. Comment peut-on faire une révolution si on laisse en place les mêmes personnes qui étaient les bénéficiaires du régime précédent ? »

Cependant, tous les travailleurs rencontrés, ouvriers, employés de bureau, ingénieurs ou techniciens sont unanimes sur un point : « Avant, la hiérarchie était très verticale », confie Yoana Morales, jolie métisse de 28 ans (« et célibataire ! », précise-t-elle avec un sourire enjôleur). « On recevait des ordres qu’il fallait exécuter sans discuter. Maintenant, on peut discuter librement avec ses supérieurs, l’ambiance est beaucoup plus détendue, il y a beaucoup moins de pression. » « Oh, moi, je ne me mêle pas de trucs politiques, lance un autre, timidement. Je fais mon travail, et puis c’est tout. » Comme il l’a fait tous les jours de 7 à 20 heures pendant les deux mois de la « grève ».

Acte très politique s’il en est. « Mais c’est vrai qu’on travaille mieux maintenant qu’avant décembre 2002. On fait de temps en temps des assemblées, et les chefs tiennent davantage compte de notre avis. » « Et puis, ajoute Hector, les gens ne se laissent plus faire comme avant. Si un cadre se comporte mal, aussitôt une assemblée des travailleurs concernés se réunit, et obtient assez vite son remplacement. La solidarité et la combativité se sont renforcées. » « Le contrôle ouvrier, qu’est-ce que c’est ? » interroge Yoana « Ah, si c’est qu’on peut participer et qu’on prenne en compte l’avis de tous, alors je suis pour ! ». Comme presque toutes les personnes rencontrées.

Pourtant, PDVSA attend encore, comme le reste du pays, sa « révolution dans la révolution. »

Publié dans: Risal

NOTES:
[1] [NDLR] Consultez le dossier « Lock out & sabotage pétrolier » sur RISAL.
[2] [NDLR] Petróleos de Venezuela, l’entreprise pétrolière publique vénézuélienne.

El "Gordo"

Photo: Pierre doury

«A Caracas, surtout, restez loin des ‘barrios'», ces quartiers pauvres qu'ailleurs on appelle favelas. C'est ce que tout visiteur qui, soucieux de se renseigner un peu sur le Vénézuela lira dans un guide touristique.

Lorsqu'un groupe d'Allemands s'est perdu dans le barrio de la Vega, ils ont bien failli le vérifier à leurs dépens. Il leur a pourtant suffi d'expliquer aux « malandros » qui les entouraient qu'ils étaient les hôtes du « Gordo negro que es comunista » (le gros Noir communiste), pour que la situation se détende et qu'on leur indique le chemin… Celui qui raconte cette histoire, c'est le « gordo », et ça le fait encore bien rigoler. Quelques minutes auparavant, il poussait la chansonnette, un très cubain dans les mains. Quelques sons cubains de la grande époque. On aurait dit un bon vieux papi du Buena vista social club.

Le « Gordo », c'est Edgar Pérez. La soixantaine, gros, c'est vrai, enfin dans le genre ventru et costaud. Noir, ou plutôt métis, comme la plupart des habitants des barrios. Une cicatrice qui court du sourcil à la joue, chauve, passablement édenté. Comme un pauvre, qu'il a toujours été. Communiste, pas tout à fait. Ou plutôt, il l'a été. Descendant d'une famille déjà très militante, ils s'est engagé très jeune dans la lutte armée, profitant de son air juvénile pour tromper la police. Il faut dire que la « parroquia » (paroisse, qui désigne en fait un quartier) de la Vega est depuis toujours un bastion de la militance radicale. « Dans les années 60, la lutte armée avait jusqu'à 800 militants à La Vega, et un très fort soutien populaire », affirme-t-il. Suite à une crue particulièrement destructrice, il doit quitter son quartier, avec un groupe de sinistrés comme lui. Ils s'installeront plus haut, toujours à La Vega, mais dans une zone promise à la construction de logements pour « classe moyenne supérieure ».

C'est ce qui deviendra Las Casitas, lieu qu'il habite maintenant « depuis… Coño ! 38 ans ! ». Parallèlement, son point de vue politique évolue. De marxiste-léniniste pur et dur, il va virer libertaire. Le déclic : un Basque, ex-curé devenu anarchiste (« un p… de mélange dans sa tête, que ça devait être, non ? ») qui bouscule ses certitudes. « Et puis, j'en avais marre du dogmatisme, de la ‘ligne juste' qu'on était persuadés d'avoir et de devoir ‘faire passer au peuple'. » Il quitte la lutte armée, et commence dans son nouveau quartier un travail culturel : sport, musique, théâtre. « Les premiers à participer au groupe de théâtre, c'étaient des malandros, des trafiquants. Ils faisaient leurs trucs, mais dans le projet culturel, ils étaient là, c'étaient les plus sérieux ».

Depuis, c'est à travers la culture, le « travail communautaire » qu'il construit peu à peu son Utopie. Et toute sa famille avec lui : femme, enfants, tous sont des « travailleurs sociaux » comme ils se définissent. Et leur maison est devenue celle de la communauté : cantine collective au rez-de-chaussée, salle de cours et dortoir pour les visiteurs qui affluent des quatre coins du monde a l'étage.

Nos idéologies étaient importées d'Europe, où on a bien vu que les modèles ne marchent pas, le ‘socialisme réel' des pays de l'Est, c'est un échec. Alors, on a retrouvé nos penseurs américains : Bolivar, Ezequiel Zamora, et beaucoup d'autres. Aujourd'hui, je me définis comme un libertaire, mais pas un dogmatique. Un libertaire caribéen. » Que signifie cette étrange accolade ? « Nous avons notre propre culture, qui nous vient de l'héritage indigène, des Noirs déportés, de l'Europe aussi, mais surtout de 500 ans de lutte des opprimés d'ici. Un enterrement chez nous ne ressemble pas à un enterrement en Europe. Ici, c'est presque une fête, les personnes s'y préparent comme pour aller à une grosse fiesta. C'est comme ça, nous avons hérités des Noirs cette capacité à pleurer, mais aussi à rire, et à rire beaucoup.

Lorsque l'on fait une fête, du théâtre, de la musique, une célébration, on se retrouve, on vit ensemble, on soude une communauté. Et comme ça on fait aussi de la politique. Parce que quand on avance tous ensemble sur des projets, la conscience des gens avance aussi. C'est ce qui fait notre force. Chavez, on le soutient parce qu'il est du peuple, pour de bon, et que pour l'instant il nous défend, mais notre travail a commencé bien avant lui. On n'est pas des chavistes fanatiques, la Constitution nous a permis de grandes avancées, mais elle a aussi ses limites et ses pièges. Pourtant, moi qui suis contre l'Etat, je me suis battu, lors du coup d'Etat [d'avril 2002] pour défendre cet Etat. Moi qui suis pour l'horizontalité, je peux être très vertical si demain on tente quelque chose pour renverser Chavez et arrêter notre processus ! » Et si « on » tue le Président ? « Précisément, si on construit à partir de la base, le mouvement continuera, même sans Chavez.

Notre force, c'est notre nombre, nos liens, notre conscience construite ensemble, et ça, aucune armée au monde ne pourra le détruire ! »

Pierre Doury

Voyage dans le « processus révolutionnaire » Vénézuélien.

Photo: Pierre Doury

Durant les mois de juillet et août derniers, 4 militants toulousains se sont rendus au Venezuela, grâce au « Cercle Venezuela » de Toulouse et à ses contacts dans un quartier populaire de Caracas. Récit.

Le « barrio » de La Vega est un des nombreux quartiers pauvres de Caracas, fait de maisons en brique nue pour la plupart, accrochées à flanc de colline ou nichées au fond des vallons. A l’intérieur, la vie grouille, beaucoup de jeunes, d’adolescents, d’adolescentes souvent accompagnées de bébés. De la musique, très fort, qui s’échappe des boutiques, des logements, des minibus-taxi lorsque les klaxons ne la recouvrent pas. Le genre de quartier que les guides de voyage bien-intentionnés recommandent fortement d’éviter… Nous avions pourtant le sésame pour y circuler sans encombre : être les hôtes du « Gordo (le gros) Edgar ». La cinquantaine, ventru mais costaud, Edgar Pérez est un des piliers communautaires de La Vega. Chez lui, c’est la maison de tout le monde, de la communauté. C’est la première chose qui marque dans ce quartier : l’importance et l’intensité de la vie communautaire. On est souvent les uns chez les autres, on passe, on discute, on mange, et on ne fait pas de manières.

Mais pour Edgar et sa famille, cela va encore plus loin. Son domicile sert de salle de classe, de cantine collective, d’école de percussions, d’émetteur pour une petite radio… On ne s’y ennuie pas souvent ! « Si on me donnait demain un appartement tout équipé dans le centre-ville, je refuserais ! Bien sûr, il nous manque beaucoup de choses, et nous nous battons pour les obtenir, mais j’ai besoin de cette vie collective », affirme Edgar. Depuis longtemps la « communauté » s’est organisée : pour l’obtention de l’eau, de l’électricité, le goudronnage de (certaines) rues… « On n’a pas attendu Chavez pour se regrouper et défendre nos intérêts, explique-t-il, même si depuis qu’il est au pouvoir, les choses sont beaucoup plus simples pour nous. » En effet, le quartier compte désormais un centre médical dont le médecin, cubain, est présent en permanence, un centre d’accès Internet gratuit, un supermarché d’Etat, Mercal, qui offre les produits de base à bon marché, la fourniture d’aliments destinés à la cantine populaire. Cette dernière fonctionne depuis deux ans grâce à 5 femmes, toutes bénévoles et fournit chaque jour 150 repas à des familles démunies. Et l’Etat distribue le matériel pédagogique (livres, vidéos…) qui sert de support aux « missions » d’éducation populaire, alors que leur réalisation est l’œuvre d’habitants du barrio.

Tout ça change le quotidien, évidemment. Mais ce qui marque encore davantage, peut-être, c’est cette impression que pour beaucoup de gens, et de jeunes en particulier, s’impliquer pour la communauté est quelque chose d’important, de valorisé : qui dans les « missions » d’éducation populaire, qui dans la musique, la vidéo, les médias alternatifs… Un « peuple conscient et qui avance ». Et comment ne pas ressentir un fort pincement « du côté du poumon » lorsque ces jeunes, improvisant des paroles sur la Guantanamera, reprennent en cœur au refrain « Venezuela socialista ! » Quand les pauvres renouent avec l’idéal socialiste, l’espoir est permis… Ce « socialisme », tous le revendiquent, jusqu’au président du Medef local qui a déclaré qu’il ne s’agit plus d’opposer socialisme et capitalisme, mais de « prendre le meilleur des deux systèmes »… Des sondages indiquent qu’une majorité de la population préfèrerait un système socialiste. Mais que met-on derrière le terme ? Pour nos amis de La Vega, ce serait plutôt sa version libertaire, sans Etat, par l’auto-organisation… Et sans Parti pour y arriver.

Quelques discussions à ce sujet se son prolongées tard dans la nuit… Alors, en débarquant à Caracas, nous aurions trouvé, enfin, le grand chantier du socialisme en marche ? Pas si simple, bien sûr. Un mot d’abord sur Chavez. Tous les quartiers populaires que nous avons vus proclament sur leurs murs leur soutien au Comandante. Et tous les partis se revendiquent de lui. Sauf ceux de l’opposition, mais on ne les entend plus : leur succession de défaites les a assommés. Il suffit d’écouter un dimanche l’émission Aló Presidente pour comprendre la popularité du bougre. Un vrai bateleur, qui n’hésite pas à pousser la chansonnette, glisser un compliment galant à une dame ou raconter une anecdote de sa vie de famille. Et puis, entre deux boutades, quelques cours d’Histoire, de géopolitique du pétrole, des citations de Victor Hugo, des conseils pour organiser des cercles citoyens, l’apologie d’un « socialisme du XXIème siècle qui reste à inventer ».

Mais surtout, pendant son émission, Chavez reçoit en direct les réclamations des simples gens, et le cas échéant, tance le ministre responsable, appelle les communautés à « secouer » leurs élus… Bref, il éduque, explique, incite les gens à développer l’auto-organisation, à ne pas dépendre de sa personne. Si c’est du populisme, on en redemande ! L’idéal de transformation socialiste de la société, même confus, même contradictoire avec les pratiques actuelles de la realpolitik du chef de l’Etat baigne en tous cas les consciences populaires. Sauf qu’entre le sommet et la base, entre Chavez et le peuple, toute une bureaucratie héritée de la « vieille IVème République » est toujours en place, et fait, pour le moins, de la résistance passive. C’est le leitmotiv des militants, des citoyens actifs, et même du président : il faut une « révolution dans la révolution ». Nous dirions, sûrs de notre bagage idéologique : « il faut une révolution »… En effet, on peut dire que pour quelqu’un qualifié par ses détracteurs de « danger pour la liberté et la démocratie », Chavez fait preuve d’une mansuétude étonnante. Tant vis-à-vis des putschistes d’avril 2002, que des organisateurs du lock-out patronal de décembre 2002-janvier 2003 dont aucun n’est en prison malgré la gravité des faits, ou encore vis-à-vis de certains éditorialistes qui n’ont pas hésité à appeler au coup d’Etat voire à l’assassinat du président de la République ! Il n’y a pas eu non plus d’épuration de l’Etat ni d’aucune institution, et les opposants pro-putschistes d’hier continuent tranquillement un travail de sabotage de l’intérieur.

Les conséquences ? Dans les campagnes, les terres promises par la Loi Agraire ne sont pas distribuées par des gouverneurs ou des juges liés à l’oligarchie, ou alors, ce sont les fonds qui ne sont pas débloqués. Chez les populations indigènes, dont la nouvelle Constitution Bolivarienne garantit le droit à la propriété des terres, les moyens manquent pour en établir le cadastre. Pourtant, les crédits ont été débloqués, mais « quelque chose » bloque… Autre exemple d’un processus à la fois limité et contradictoire : le cas de l’entreprise pétrolière nationale PDVSA. Nous avons rencontré des camarades liés à, ou proches de l’OIR, (groupe appartenant à notre IVème Internationale) à Puerto la Cruz, sur la côte caraïbe à 300 km à l’est de Caracas. Ils nous ont raconté comment, pendant la grève patronale de décembre 2002-janvier 2003 ils avaient remis en marche l’ensemble des installations, de la raffinerie au terminal portuaire, sans l’aide des cadres et des ingénieurs, très majoritairement grévistes, mais avec l’appui massif de la population la plus modeste. Et ça avait fonctionné, dans des conditions pourtant très difficiles. Aujourd’hui, alors que Chavez affirme vouloir développer la cogestion ouvrière comme moyen d’aller vers le socialisme, le ministre de l’énergie déclare que PDVSA est une entreprise trop stratégique pour être confiée aux travailleurs…

A côté de cela, le cas de l’entreprise « récupérée » INVEPAL fait figure de contre-exemple. Entreprise papetière en faillite, elle est devenue le symbole d’une remise en route par les travailleurs réussie. Bien sûr, ceux-ci ont pu compter sur le soutien inconditionnel de l’Etat, qui a exproprié l’usine, injecté des fonds et en est un des gros clients aujourd’hui pour l’achat de cahiers scolaires destinés aux Mercal. Evidemment, quelques semaines est un temps bien trop court pour prétendre parler comme un spécialiste. Ces quelques impressions et aperçus ont cependant eu un double mérite. Rendre espoir (« c’est possible, puisqu’ils le font ») dans les capacités des peuples, même écrasés par la pauvreté, à trouver leurs voies vers un monde plus juste, un « nouveau » socialisme. Et obliger à sortir des schémas qu’on attribue trop souvent au marxisme, oubliant que « rien ne remplace l’analyse des situations concrètes ».

Ce « processus révolutionnaire bolivarien » est riche de ses multiples expériences, nées de l’engagement massif de la population dans la vie politique. Il paraît également sérieusement menacé, de l’extérieur par la menace de l’impérialisme, toujours aux aguets, et de l’intérieur par cette bureaucratie qui le gangrène. Il sera passionnant de suivre, et pourquoi pas de participer, à la prochaine étape du mouvement, cette fameuse « révolution dans la révolution ».

Pierre Doury

publié dans: Le piment Rouge

Au Vénézuéla, les travailleurs de l’usine « récupérée » Invepal construisent le « socialisme du XXIème siècle »

Photo: Pierre Doury

En se constituant en coopérative, ils ont sauvé leurs emplois et transformé leur rapport au travail et à la société. Reportage.

« Bienvenue à INVEPAL, entreprise vénézuélienne endogène de papier ». A Puerto Cabello dans l’Etat de Carabobo, à l’ouest de Caracas, le panneau qui accueille le visiteur est flambant neuf et barré des couleurs jaune, bleu et rouge du drapeau vénézuélien. Pourtant, sur les rayonnages des bureaux, la plupart des dossiers portent le sigle « VENEPAL ». « C’est comme ça que s’appelait l’entreprise avant que nous, les travailleurs, la récupérions », explique Rowan Gimenez, 35 ans dont 10 passés à travailler dans l’entreprise. Cette fabrique de papier a été de 2003 jusqu’au début de cette année au cœur d’une lutte acharnée où se sont mêlés soutien gouvernemental, opposition farouche du patronat, solidarité populaire et mépris des grands médias.

Casquette rouge frappée du sigle «République Bolivarienne du Vénézuéla » vissée au-dessus d’un visage rond et avenant, Rowan raconte l’histoire de ce conflit : « Depuis longtemps, les dirigeants de l’usine réduisaient la production, et faisaient courir des bruits selon lesquels l’entreprise tournait mal, perdait de l’argent... A la ‘grande époque’, il y avait près de 2000 personnes qui travaillaient ici. Sur la fin, seulement 300 ». Après de nombreuses manœuvres de la direction et mobilisations des travailleurs, la faillite est officiellement déclarée le 2 décembre 2004. « C’est là que la ‘grande lutte’ a commencé. Nous nous sommes réunis en Assemblée des travailleurs, et nous avons occupé l’usine de façon permanente. Nous organisions des tours de garde : ceux qui vivent sur le site de l’entreprise, ceux qui résident près du site assuraient la garde de 19 h à 7h, les autres le reste de la journée. Il fallait s’assurer qu’on n’emporterait pas les machines ni le stock.» Dans cette lutte qui s’annonçait longue, les « Venepal » ont bénéficié d’une large vague de soutien : « Le président Chavez et la ministre du Travail nous ont soutenus dès le début. Et nous avons pu compter sur l’aide des travailleurs de la raffinerie voisine « El Palito », de PDVSA [l’entreprise nationale pétrolière, ndlr], qui nous ont fourni de la nourriture. Les syndicats de PDVSA ont organisé deux concerts de soutien. Des syndicats affiliés à l’UNT [nouvelle centrale syndicale « combative », ndlr] ont envoyé des groupes pour nous aider à garder l’usine et un appui logistique, prenant en charge des billets de car lorsque certains d’entre nous devaient se rendre à Caracas, etc. Les communautés [d’habitants, ndlr], les paysans nous ont beaucoup aidés également, en participant massivement aux manifestations. L’appui de nos familles aussi a été très important. Et par-dessus tout, ce qui a compté, c’est l’unité de tous les travailleurs en lutte, qui ne s’est jamais démentie. Il y a pourtant eu des moments très difficiles, quand par exemple nous avons subi de fortes inondations, et que certains d’entre nous ont été sinistrés. Nous avons décidé de les aider, non seulement eux, mais aussi d’ autres victimes. On a partagé avec eux la nourriture que nous avions, des matelas, des couvertures…Pendant tout ce temps, les grands médias locaux ou nationaux, liés à l’opposition n’ont pas cessé de répandre les pires calomnies sur notre compte. Ils nous accusaient d’agressions contre des cadres, de séquestration, d’être armés… Ca a rendu les choses encore plus difficiles. Quand on rentrait chez nous, le combat continuait parce qu’il fallait expliquer à nos familles que tout ça c’était des mensonges. Et puis finalement, après 6 mois de lutte, nous avons gagné, l’entreprise a été expropriée et nous a été officiellement remise. Nous n’avons jamais lutté pour de meilleures indemnités de licenciement. Nous avons toujours défendu cette idée que l’entreprise devait être récupérée par les travailleurs, parce qu’avec notre expérience nous savons la faire marcher. » C’est officiellement le 31 janvier 2005 qu’est créée la nouvelle entreprise INVEPAL, où l’Etat est majoritaire, mais dont la gestion est confiée à la coopérative ouvrière.

Mirta Freires a 38 ans et 13 « de boîte ». Dans l’ancienne VENEPAL, elle était magasinière. Elle travaille aujourd’hui au service achats (« et aussi un peu partout, selon les besoins »), et fait partie de l’équipe de direction, composée de deux représentants de l’Etat et de trois travailleurs « élus par l’Assemblée ». « L’Assemblée est souveraine, c’est là que se prennent toutes les décisions, exlique-t-elle, ce principe est notre boussole, notre règle absolue. On s’est battus tous ensemble, on fait tourner tous ensemble l’entreprise aujourd’hui. Nous sommes tous égaux, il n’y a plus de dirigeants et de dirigés. Sinon, on aurait fait tout ça pour rien. » Au nom de cette égalité, tous gagnent le même salaire de 500 000 bolivars [environ 200 euros, ndlr], quelque soit le poste occupé.

Sur les trois lignes de fabrication de papier, une a été remise en marche, une seconde est sur le point de l’être. Une autre chaîne fabrique des enveloppes et des sacs à pain. Dans les immenses bâtiments de l’usine, les ouvriers sont au travail, les mécanos réparent ou entretiennent les machines, le labo effectue ses contrôles. Ca et là un groupe discute, décontracté, un gobelet de café à la main. On se salue amicalement, on blague, on se tape sur l’épaule. Pas de cri, pas de stress, pas de contremaître qui surveille ou réprimande. Et pourtant, ça marche : « Nous avons récupéré le niveau de production d’avant la faillite, affirme Rowan, les clients sont revenus et l’entreprise est bénéficiaire. »

Cette nouvelle façon de travailler convient à tous les membres de la coopérative rencontrés. « Le changement est phénoménal, explique, les yeux brillants, Prospero Pontenegro, 51 ans et 27 de Venepal. Avant on travaillait avec un fouet, maintenant, on a l’esprit libre. On participe à tous les choix, on n’est plus simplement cantonné à une tâche, isolé dans son coin. On vient travailler avec joie, parce que cette entreprise est maintenant à nous, à nous tous, collectivement. » Armando Montilla, ancien magasinier comme Mirta, apprécie la variété du travail dans la coopérative : « il a fallu apprendre à gérer, nous nous sommes formés en nous aidant l’un l’autre. Celui qui savait un peu plus sur tel type de travail aidait celui qui ne savait pas, et ainsi on a fini par s’en sortir. Et on continue à apprendre sans cesse des choses nouvelles, on évolue en permanence, c’est passionnant. Surtout, poursuit-il, on travaille pour nous, pour nos familles, alors qu’avant on travaillait pour enrichir les patrons. »

« On travaille pour nous, reprend Carlos Lopez, ancien gardien et actuel responsable des Ressources Humaines, mais aussi pour les communautés, pour tout le pays. Cet engagement vis-à-vis de l’extérieur est fondamental, c’est un critère majeur lorsque nous recrutons un nouveau travailleur contractuel. Celui-ci passe d’abord par les Ressources Humaines, où l’on vérifie ses compétences, puis devant l’Assemblée où on voit si ses motivations sont les mêmes que les nôtres : on ne travaille pas tant pour l’argent que pour porter un projet, pour aider à la construction d’une société nouvelle, pour aider l’ensemble de la société. S’il partage cette idée et si tout se passe bien, au bout de six mois on lui propose d’intégrer la coopérative. » Actuellement, l’entreprise compte environ 300 membres de la coopérative et une vingtaine de contractuels.

Ce rôle social, auquel tous sont si attachés se concrétise de diverses façons : mise à disposition de l’immense terrain de la société pour des événements culturels, de ses installations sportives (terrains de basket, de base-ball, piscine en cours de rénovation…), aides ponctuelles aux communautés, mais aussi à une échelle plus vaste, par la production de cahiers scolaires bon marché, qui seront distribués dans les supermarchés populaires d’Etat « Mercal ».

« On ne s’est pas battus seulement pour sauver nos emplois, insiste Mirta. Je crois que ce qui était important pour nous, c’était surtout d’en finir avec le mythe de la toute-puissance patronale, montrer qu’on peut gagner face à eux. Pour ça, la présence de Chavez a été déterminante. Avant, l’Etat était systématiquement du côté des oligarques et des patrons, c’était très dur de gagner une lutte. Mais aujourd’hui nous avons tout de même une vraie pression sur les épaules. Nous devons prouver que les travailleurs sont capables de gérer eux-mêmes une entreprise, et de le faire non pour être une entreprise comme les autres, mais pour la mettre au service de la société. »

Alors que le président Hugo Chavez prône un « socialisme du XXIème siècle », les travailleurs d’Invepal semblent bien décidés à réaliser cette Utopie.

Pierre Doury

Mobilisation paysanne au Venezuela

Photo: Pierre Doury

Des dizaines de milliers de manifestants paysans ont défilé lundi 11 juillet 2005 pour réclamer le soutien du gouvernement face aux grands propriétaires terriens.

Ils arrivent par petits groupes, se faufilent au milieu du trafic, certains ont un épi de maïs à la main, d’autres brandissent une machette démesurée… En contreplaqué. Des milliers de drapeaux à l’effigie du président Hugo Chavez qui orne aussi les T-shirt, les chapeaux. Des centaines de banderoles qui réclament « la réforme agraire », « l’arrêt des assassinats de paysans » par les terratenientes qui résistent becs et ongles à la loi agraire promulguée par le régime chaviste. Environ 130 militants paysans ont été tués depuis l’an 2000, et aucun grand propriétaire n’a encore été inquiété.

La marche fait un premier arrêt devant l’immeuble du Procureur Général de la République, pour dénoncer cette impunité. Pedro Castillo vient de l’Etat de Zulias. Trapu, visage d’Indien sous un chapeau de cuir, il fait partie de la coopérative « Fundo Santa Marta » qui regroupe une centaine de familles dont chacune cultive une petite parcelle de 4 à 5 hectares. Malgré une attribution de terres en bonne et due forme, certifiée par le tribunal de Maracaïbo, ces familles sont toujours menacées par les hommes de main des « terratenientes ». Pour s’en protéger, les hommes de la coopérative organisent des tours de garde, escopettes à portée de main. « Les paysans n’ont plus le droit d’être armés, dénonce Tomas Rivas, coordonateur de l’organisation paysanne ‘Ezequiel Zamora’, même pour chasser, certains en sont revenus à l’arc et aux flêches. « C’est censé diminuer la violence dans les campagnes, mais les campo volantes (hommes de main) eux sont toujours armés. Ce sont des graines de paramilitaires, c’est comme ça que ça a commencé en Colombie, et 50 ans après, ils sont toujours en guerre ». Eux ne sont pas « chavistes » : « on soutient le processus, et Chavez pour l’instant, mais rien n’ a changé réellement pour nous. » C’est l’autre aspect des revendications des paysans . Peut-être le principal ce jour . Luis Martinez vient d’une coopérative située également dans l’Etat de Zulias. 563 hectares ont été récupérés légalement, grâce à la loi agraire qui permet de distribuer les terres improductives aux coopératives paysannes. « Mais jusqu’à présent, nous n’avons reçu aucun fond, aucune des aides que Chavez a promis ». Les décrets ont pourtant été signés par le président. Mais entre lui et les communautés, toute une bureaucratie héritée de l’ancienne République fait de la résistance passive et bloque de nombreux projets.

La manifestation se rend ensuite devant le Capitole, siège de l’Assemblée nationale, qui sera rapidement envahi. Une série d’orateurs se succède pour dénoncer la bureaucratie et proposer la « révolution dans la révolution » « il faudra se débarrasser de tous ces corrompus et ces bureaucrates » lâche l’un d’eux, un béret rouge pourtant le nom du président. C’est pour le voir en personne que les manifestants se rendront ensuite devant le palais présidentiel de Miraflores, sans succès. Finalement, la manifestation prévue sur deux jours sera écourtée, les organisateurs ayant connu quelques problèmes d’intendance.

Pour le monde paysan, peut-être plus encore que pour les autres secteurs populaires, le « processus révolutionnaire bolivarien » est loin d’être abouti. La marche sera encore longue, et difficile.

Pierre Doury

Entrevue avec Luis Primo

Luis primo lors de son passage en Europe avec "Hands off Venezuela"

Luis Primo, Membre de la coordination de la Union Nacional de los Trabajadores (UNT), est également membre du CC du Courant Marxiste Révolutionnaire, une tendance trostkiste liée au Militant britannique du parti pro-chaviste Patrie Pour Tous (PPT), et de la tendance Force Bolivarienne des Travailleurs au sein de l’UNT.



La centrale syndicale UNTs’est créée en rupture avec la centrale traditionnelle, la Centrale des Travailleurs du Vénézuéla, la CTV. Celle-ci est très liée au parti Action Démocratique, l’un des deux partis qui assuraient traditionnellement l’alternance avant l’élection de Chavez. La CTV avait pris une part active dans la lutte de l’opposition pour renverser celui-ci et soutenu sans réserve le coup d’Etat avorté du 12 avril 2002. Ceci s’explique par le fait que beaucoup de ses adhérents sont des fonctionnaires publics ou travaillent dans l’industrie pétrolière, postes pour lesquels une carte de AD ou de la CTV est un plus sérieux.

Q : Peux-tu nous expliquer la création de l’UNT ?

Luis Primo : L’existence de la CTV a toujours été le principal problème dans le mouvement syndical et ouvrier. En 1999, après l’élection de Chavez, s’est créé un Front National Constituant des Travailleurs, un mouvement classiste qui avait pour objectif la reconstruction d’une nouvelle centrale syndicale par un processus constituant qui parte de la base. Ce courant rassemblait entre 3 et 5000 personnes au départ et s’était renforcé avec la campagne pour la Constituante syndicale. Mais ce mouvement s’est soldé par un échec, dû à la faiblesse du gouvernement et des avant-gardes politiques à ce moment. Le FNC est alors devenu la Force Bolivarienne des Travailleurs.

Q : Et ensuite ?

LP : La question est revenue sur la table en 2000-2001. Le débat à l’intérieur de la CTV se posait entre l’organisation d’élections syndicales et celle d’un référendum sur la question de la Constituante syndicale, toujours portée par la gauche dans la centrale.

Q : Qui devait participer à ce référendum ? Les membres du syndicat ?

LP : Non, l’ensemble de la population était appelé à y participer. Il a eu lieu le 20 octobre 2001, et environ 20 % des votants y ont participé. Ca semble peu, mais il faut relativiser : c’est le même taux de participation qu’aux élections des Conseillers [des représentants aux assemblées de « paroisses » (districts), ndlr] qui ont eu lieu à peu près au même moment. 1,7 millions de votes se sont prononcés en faveur de la Constituante et environ 400 000 contre. Ca a été un désastre pour la bureaucratie, même si elle a bien entendu remis en cause la légitimité du référendum. Finalement, devant ce désaveu, la direction a démissionné, laissant un vide à la tête de la CTV. A nouveau s’est posé la question de savoir si pour combler ce vide il fallait tout remettre à plat avec une Constituante ou se contenter d’élection syndicales internes. C’est ce point de vue qui l’a finalement emporté.

Q : Qu’est-ce qui a donc finalement provoqué la rupture ?

LP : L’attitude de la bureaucratie pendant ces élections. Les premiers résultats n’ont été publiés que quatre semaines après le vote. Imagine la crédibilité des résultats ! Et de nombreuses irrégularités ont été constatées. Ces élections ont d’ailleurs été déclarées illégales récemment, en janvier dernier. Tout ça a déclanché une bronca chez les militants et la nécessité de créer une nouvelle centrale est apparue incontournable. Le 7 septembre2002 s’est tenue une initiative pour la nouvelle centrale syndicale, avec plus de 1500 délégués.

Q : Quels étaient les propositions lors de cette initiative ?

LP : Deux positions se sont affrontées : une partie de l’ancienne bureaucratie de la CTV voulait simplement que l’on décrète la création de la nouvelle centrale, nous, au contraire, nous voulions que cette construction passe par un processus consultatif de la base. C’est cette proposition qui l’a emporté.

Q : Et puis y il a eu le lock-out du pétrole, en décmbre 2002 [après l’échec du coup d’Etat d’avril, l’opposition lance une « grève générale » patronale dans le but de destabiliser l’économie et le gouvernement chaviste]

LP : Oui, ça a vraiment été le moment-clé : pour contrer le lock-out, les travailleurs ont eux-mêmes remis en marche les usines et les ont fait fonctionner sans l’encadrement la plupart du temps. C’est un moment où il y a eu une totale unité entre les travailleurs, les organisations populares qui s’étaient rassemblées devant les entreprises, et es militaires qui soutiennent le processus bolivarien. C’est à partir de cette expérience que l’UNT a vraiment pris son essor. Aujourd’hui, les secteurs stratégiques du pétrole, de l’électricité, des industries de base sont « passés » à l’UNT. Stratégiquement, c’est extrèmement important.

Q : Tu parlais d’un secteur bureaucratique dans l’UNT…

LP : Effectivement, il reste toute une frange de bureaucrates qui ont senti le vent venir, ou encore de gens qui se contenteraient d’un capitalisme d’Etat et sont des réformistes. Mais la gauche est très active, et la plateforme de l’UNT est la plus radicale qu’ait jamais connu le pays : elle demande le non-remboursement de la dette, la nationalisation des banques, la participation des travailleurs à la gestion des entreprises… Ce n’est pas un programme socialiste, mais c’est déjà un programme anticapitaliste.

Q : Justement, que penses-tu de la cogestion telle qu’elle commence à se mettre en place dans certaines entreprises ?

LP : Il y a en fait deux façons de faire de la cogestion : l’une c’est de permettre au travailleurs d’avoir un œil sur la gestion, mais sans pouvoir de contrôle. Tout réside dans le contrôle. La cogestion avec un contrôle ouvrier, je suis pour, c’est une excellente école pour les travailleurs qui petit à petit se rendent compte qu’ils sont capables de prendre les décisions et de gérer les entreprises. Mais sans réel contrôle ouvrier, c’est une façon au contraire de la lier à l’entreprise et de les exploiter encore davantage.

Q : Et l’expérience des coopératives ?

LP : là aussi, il y a deux possibilités. Dans certains cas, la coopérative sert de paravent à une véritable entreprise, fonctionne comme une entreprise, sauf que les ouvriers sont actionnaires. Dans d’autres cas, par contre, c’est une expérience extrèmement utile. Nous sommes dans une période de transition. Ce qui veut dire que le marché est encore incontournable. Mais par la multiplication des coopératives, leur regroupement, on peut de plus en plus réduire la part du marché capitaliste par celle d’un marché social. Il faudra que l’UNT prenne cette question en charge.

Q : Pour conclure, comment caractériserais-tu la situation ?

LP : Nous sommes dans une phase de transition. Je pense que la question sur l’opportunité du socialisme est posée. C’est vers ça que nous allons. La question est de savoir qui va l’emporter des secteurs réformistes ou révolutionnaires.


Propos recueillis par Pierre Doury

Lula le « gentil réaliste » - Chavez le « méchant populiste »

4 mars 2005 - Tribune - Johanna Levy


Nous présentons ci-dessous un document de Johanna Levy en réaction à un artile publié dans Libération le 17 février 2005 : Chávez le populiste vole la vedette à Lula le réaliste.
Contribution à l’analyse au traitement médiatique du Venezuela par les médias français.

Dans un article paru dans la rubrique Rebonds du 17/02/2005, Jacques Amalric entreprend une analyse des relations entre Lula et Chavez à partir d’observations qu’il a manifestement faites à Porto Alegre (ou à partir de faits qui lui furent rapportés, peu importe.) Une manière indirecte de comparer les deux chefs d’Etats - exercice de style apparemment obligé pour les journalistes et les essayistes du Forum Social -, et le moyen, pour Amalric, de donner court à toute la finesse de son analyse en dépeignant le gentil « réaliste » et le méchant « populiste ».

L’article en question est publié dans les pages « Rebonds » : ce n’est donc pas vraiment du journalisme, mais puisqu’il s’agit d’une des rares informations données dans Libération sur le Venezuela ces derniers mois - en dépit de l’existence d’un envoyé spécial en goguette à Caracas -, on ne peut le prendre à la légère. En raison de l’absence de travail proprement journalistique, voilà typiquement le genre d’article qui participe à forger l’« opinion » sur ce qui se passe aujourd’hui au Venezuela. Aucune investigation, juste un travail de déduction réalisé à partir des impressions d’un intellectuel catégorisé à gauche.... Nous sommes déjà au cœur du phénomène de désinformation.

Pour commencer, quelques remarques textuelles

La construction de l’article fleure bon la dissertation de l’élève modèle de philosophie : intro, problématique - « quels rapports entre les deux chefs d’Etat ? », « forment-ils un duo cohérent ou se livrent-ils à un duel ? », puis démonstration en trois parties, 1/ thèse : « en dépit des apparences, Chavez ne serait pas un allié de Lula mais au contraire oeuvrerait volontairement à sa fragilisation », 2/ antithèse : « Lula, l’antithèse de Chavez » 3/ synthèse : « tout porte à craindre de la part de Chavez une « dérive castriste du régime ». Afin d’appuyer sa démonstration, l’auteur utilise à profusion les figures de style. Tellement élégantes et séduisantes que l’on pourrait oublier que tout, dans cet article, n’est qu’affaire de déduction, sans aucune preuve à l’appui. Qu’y trouve-t-on ?

L’art du portrait

Les journalistes européens se régalent depuis longtemps de la figure du président vénézuélien. Dans leurs descriptions, deux tendances se distinguent : Hugo Chavez est présenté soit comme un OPNI, objet politique non identifié - en particulier dans la presse européenne de droite -, soit sur le mode du « on-a-déjà-vu-ça-dans-le-passé-on-ne-se-fera-pas-de-nouveau-avoir » - dans la presse européenne de gauche. Dans l’article qui nous intéresse, c’est donc la seconde tendance qui prédomine. Conformément à la tradition dans laquelle il s’inscrit, on y recense les adjectifs régulièrement attribués au président vénézuélien : Hugo Chavez y est qualifié de « populiste », d’« ancien colonel putschiste », ou encore d’« admirateur proclamé de Bolivar et de Fidel Castro ».

Putschiste et condescendant

Pour les médias traditionnels, et Libération ne fait pas exception, Chavez est avant tout un « ancien colonel putschiste ». Bien sûr, on oublie souvent de préciser - ce qui n’excuse en rien la tentative de prendre le pouvoir par la force - que cette tentative de putsch fut tournée contre un régime ultra-libéral ayant plongé le pays dans une misère économique profonde, un régime honni du peuple vénézuélien.

Amalric tente surtout de nous faire entendre le côté « calculateur » du président vénézuélien, qui « vole la vedette » à son homologue et se garde « de critiquer l’ancien métallurgiste devenu président. A peine a-t-il fait preuve d’un peu de condescendance, comme à l’égard d’un ancien combattant méritant. » Odieux personnage donc, qui préfère utiliser ses liens avec le Brésil dont il « aura toujours besoin »...

Le décor est planté avec pour premier protagoniste, une caricature facile à cerner. Nous reviendrons plus tard sur la portée des termes en eux-mêmes. Avant d’aller plus loin, reconnaissons tout de même le mérite de l’auteur de n’avoir pas utilisé cette expression devenue un classique du genre pour parler de Chavez : « le contesté », voire le « très contesté président vénézuélien ».

Dans cet exercice de comparaison sur le mode binaire, l’antithèse est bien sûr la figure de style reine de l’article. Ainsi, l’auteur évoque d’un côté Lula, « l’ancien métallurgiste brésilien devenu président », et de l’autre Chavez, « l’ancien colonel putschiste ». Deux passés apparemment opposés, avec tout ce que le militarisme a bien de sûr de repoussant dans la mythologie européenne qui fait abstraction de la tradition des militaires progressistes qui jalonne l’histoire latino-américaine. On peut toutefois se demander pourquoi l’auteur n’évoque pas aussi les origines sociales de Chavez. Au contraire - et en dépit des similitudes entre le deux hommes dans leur lutte contre les inégalités -, l’auteur préfère insister sur ce qui distingue la portée de leur action. Ainsi, à « la révolution (fût-elle trotskiste) et à la fuite en avant » du régime de Chavez, il oppose « le réformisme pragmatique, la rigueur budgétaire, la lutte contre l’inflation et la non confrontation avec les Etats-Unis » de Lula.

A l’aune de ces informations sur les origines des deux hommes, le lecteur est d’ores et déjà invité à se méfier du « révolutionnaire » vénézuélien et à lui préférer son homologue « réformiste » du Brésil. Mais la comparaison ne s’arrêt pas là. Elle s’attache aussi à dresser un bilan de leur action.

Retour historique et... condescendance

L’auteur estime en effet que l’on ne doit pas dénigrer les succès de Lula - injustement dépréciés actuellement par un peuple ingrat au Brésil. Il évoque ainsi ses acquis : la « mise en place d’un plan d’urgence contre la faim », la « croissance de 5% en 2004 » que l’auteur se garde toutefois d’expliquer, ainsi que « la création de presque deux millions d’emplois ». Par contre, Chavez, lui, « plane sur un nuage politique ».

Pire : profitant d’une économie de « rente », rente qui a « augment[é] avec le prix du baril » - le terme de rente étant saturé de connotations post-coloniales, en référence aux Etats, africains notamment, qui sombrèrent économiquement et socialement par manque d’investissement politique dans le développement des secteurs (extraction minière, pétrolière, agro-export) qui leur assuraient un afflux de capitaux, ainsi que dans les secteurs sociaux -, c’est apparemment bien cyniquement que Chavez a lancé ses « programmes sociaux pilotés par des équipes qui se sont aussi employées à faire inscrire sur les listes électorales des millions de défavorisés. ». Comprendre : ces millions de pauvres se sont bien fait avoir, pour ne pas dire qu’ils ont été amenés à voter pour Chavez sous la contrainte. Des résultats électoraux qui, à en croire l’auteur, n’auraient donc pas directement de lien avec l’impact même de ces programmes sociaux.

Passons sur la condescendance récurrente chez beaucoup d’intellectuels de droite comme de gauche à l’égard des pauvres -pardon, des « défavorisés »-, surtout de ces parties du monde « moins développées », victimes si aisément manipulables, voire « achetables », par des pouvoirs qui détermineraient leur conduite.

L’auteur semble oublier que ce n’est pas une, mais huit élections dont un référendum qui ont conforté le gouvernement en place au Venezuela, au point que le pays apparaît aujourd’hui comme le plus stable politiquement du continent. Et que ce n’est pas sous la houlette de travailleurs sociaux embrigadés qu’il y a à peine trois ans des centaines de milliers de Caraquéiens sont descendus dans les rues de la capitale réclamer le retour de leur président et le respect de la Constitution. Certes, le Venezuela est un petit pays en comparaison du gigantesque Brésil et de ses 170 millions d’habitants. Mais pourquoi passer sous silence le bilan réel des « Missions » (ici appelées « programmes sociaux »), et déprécier ces dernières parce qu’elles sont effectivement financées par les revenus du pétrole, une politique redistributive sans précédent dans l’histoire du Venezuela, et qui va bien au-delà de la simple « économie de rente » que sous-entend l’auteur.

Extrapolations et énumérations

Autre outil stylistique que l’auteur ose employer en dépit de son caractère reconnu largement comme insuffisant voire malhonnête : l’extrapolation. Ainsi, dans son discours de Porto Alegre, Chavez a « prôné la grande rupture aussi bien avec le capitalisme qui « provoque des tsunamis », qu’avec les Etats-Unis qui se comportent en « terroristes en Irak » mais dont « l’empire s’effondrera ». Quand à de tels fragments de discours (tirés de leur contexte) s’ajoute l’énumération - l’auteur rappelant dans la même phrase que Chavez a aussi évoqué « le courage de Castro et les mânes de Mao et de Victor Hugo » -, l’effet produit est immédiat : Chavez apparaît avant tout comme un grande hystérique dont le discours n’a ni queue ni tête.

Mise en garde

Plus dangereux encore comme potentiel de désinformation, l’auteur utilise comme fil conducteur de son article un champ lexical très particulier. Alors qu’à Lula sont associés les termes « réforme », « pragmatique », « rigueur », l’auteur insiste sur la « dérive » qui menace le « régime » chaviste. Or, il semble que l’on serait bien mal avisé de parler pour Chirac ou pour Bush de « régime ». Ce terme a en effet été utilisé dans l’histoire pour évoquer certains types de gouvernements, de Vichy à Cuba, et s’est ainsi coloré de connotations péjoratives. D’ailleurs, les personnages auxquels se réfèrent Chavez, « Mao », « Castro », ont tout pour faire frémir l’Européen de gauche ancien soixante-huitard faisant aujourd’hui son autocritique sur ses « années Mao » ou ses anciens espoirs cubains...

Répression

Les doutes de ces Cassandre seraient en effet justifiés, Chavez étant par ailleurs en train de « conforter encore sa mainmise sur le pouvoir », d’où « les craintes d’une dérive castriste du régime » ! Pour étayer cette thèse prônée par une grande partie de la gauche française, l’auteur se réfère notamment à « l’adoption d’une loi extrêmement répressive sur les médias », Il est vrai que Libération - à travers les plumes de son envoyé spécial au Venezuela, François Meurisse et de son rédacteur en chef Jean-Hébert Armengaud -, s’est rendu maître d’effrayer ses lecteurs en décontextualisant l’information qu’il propose. La loi « bâillon » telle qu’elle est surnommée par l’opposition vénézuélienne, « porte ouverte à la censure », inquiétant les « militants des droits de l’homme » [1], vient remplacer un texte datant de 1941, totalement inadapté à la situation de concentration de la propriété des médias où l’immense majorité des médias est contrôlé par des intérêts privés issus de l’ancienne oligarchie [2]. De la même façon, ceux qui cherchent à voir dans cette loi les prémisses d’une dérive totalitaire oublient de rappeler qu’au Venezuela, les seuls médias à avoir été censurés l’ont été par l’opposition lors du coup d’état d’avril 2002.

Il est donc surprenant que ce thème - si médiatique - de la censure chaviste puisse perdurer, alors même qu’aucune des chaînes de télévision ni aucun des quotidiens qui ont participé à ce coup d’Etat, et qui n’ont pas hésité à proférer des appels au meurtre, n’ont été condamnés. Remercions Libération de contribuer à entretenir ce mythe, si savoureux surtout dans le petit monde journalistique.

Conclusion

En bref, étant donné la tonalité générale du discours, l’ensemble du portrait peint par l’auteur de Chavez semble peu laudatif. Non seulement, on l’a vu, Chavez est fou, mais en plus, c’est un mégalomane prétentieux qui va jusqu’à « vante[r] la radicalité de son action ». Plus grave pour l’avenir du monde, il ne « borne pas ses ambitions aux frontières de son pays ». Et c’est là que l’auteur énonce sa merveilleuse conclusion au moyen d’une simple association d’idées. Pour ne pas être accusée de déformer la pensée de l’auteur, je me bornerai tout d’abord à le citer dans le texte. Donc reprenons : « Hugo Chavez ne borne pas ses ambitions aux frontières de son pays. « Notre stratégie, a-t-il dit, est de briser l’axe des Etats-Unis et de forger l’unité de l’Amérique du Sud ». L’axe à détruire, selon lui, comprend le Mexique, l’Equateur, le Pérou, le Chili et la Colombie voisine, où le Venezuela est soupçonné de soutenir les guérillas d’extrême gauche. D’où l’inquiétude que suscitent les négociations en cours entre Caracas et Moscou pour la livraison de cinquante Mig-29 et l’annonce d’un accord avec le Brésil sur l’achat d’au moins une douzaine d’avions d’attaque Toucan. »

Amalric est-il en train de nous dire que Chavez pourrait déclarer la guerre à au moins cinq pays d’Amérique latine ? Sans nous expliquer que, pour l’instant, la déstabilisation se joue plutôt sur le sol vénézuélien : des paramilitaires colombiens, financés par les Etats-Unis, ont plusieurs fois été interpellés à l’intérieur des frontières de ce pays...

Voilà donc ce qui montre bien à quel point Chavez est un imposteur : alors même que le président vénézuélien dénonce régulièrement la politique de Bush, le voilà prêt à se lancer dans une politique impérialiste d’une ampleur au moins égale ! Le comble... du scoop.

Merci Libé, on n’en attendait pas moins.

Johanna Levy

POUR EN SAVOIR PLUS

Sur le site de l’OFM
- Dossier : le Venezuela et les médias

Sur le site de RISAL
- Dossier : Médias & Culture en Amérique latine

[1] François Meurisse, « Venezuela : razzia de Chávez sur les urnes », Libération, 3 novembre 2004.

[2] Lire à ce sujet « Human Rights Watch : vérité et mensonges sur le projet de loi sur les télécommunications au Venezuela », Renaud Lambert, http://www.observatoire-medias.info...

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