Cinq minutes de procès contre Hugo Chávez sur Canal +

Si l’on en croit nombre de commentateurs, la victoire du « non » au référendum du 2 décembre 2007 sur la réforme de la Constitution au Venezuela aurait signé la défaite d’un projet de dictature et celle d’un dictateur. Un dictateur qui a pourtant soumis, lui, les transformations de la Constitution à référendum ; une dictature dans laquelle le prétendu dictateur et ses soutiens s’inclinent devant le résultat du suffrage universel...


Avant de revenir dès demain (jeudi 6 décembre) sur le traitement médiatique de ce scrutin, un exemple de ce que peut le journalisme quand il renonce à informer : quand le courage de dénoncer « les caricatures » revient… à proposer l’inventaire des caricatures de Chávez et de la situation au Venezuela.

par Renaud Lambert, Henri Maler

Comme celle d’autres pays, la situation sociale et politique au Venezuela suscite des questions légitimes. Et comme celle d’autres responsables politiques démocratiquement élus, la personnalité d’Hugo Chávez et son rôle politique, également. Une particulière vigilance est même requise de la part de celles et ceux qui sont solidaires des conquêtes démocratiques et des conquêtes sociales obtenues et espérées par le peuple vénézuélien. Quant à ceux qui redoutent ou qui combattent ces mêmes conquêtes, leur opposition, en principe, ne devrait pas les dispenser du devoir d’exactitude et les autoriser à transgresser, comme ils le font si souvent, les règles élémentaires de l’information. Leur journalisme de propagande ne connaît alors aucune limite. Il peut atteindre des sommets. En voici un parmi d’autres.


Cinq minutes pour convaincre

Le 20 novembre 2007, l’« Edition spéciale » de Samuel Etienne, sur Canal +, évoque la visite en France du président vénézuélien, Hugo Chávez. Celui-ci doit, le jour même rencontrer Nicolas Sarkozy pour discuter de ses démarches visant à la libération d’Ingrid Betancourt.

C’est le point de départ d’une séquence de l’émission dont le titre (« Le Chávez World Tour à Paris ») était déjà la promesse que la rigueur journalistique n’abandonnerait rien aux dérives sensationnalistes. Une séquence que l’on peut voir sur Dailymotion.

En moins de six minutes, « Edition spéciale » va parvenir non seulement à faire le tour des poncifs les plus rebattus de la critique anti-chaviste, mais surtout à ne donner absolument aucune information sur le pays, son histoire ou encore la politique menée par son président.
Le tout en deux chroniques successives qui, dans des styles différents, s’attachent toutes deux à discréditer le président vénézuélien. D’abord, la journaliste Anne-Elisabeth Lemoine – tissant la trame de son intervention avec les fils de l’ironie et du mépris – s’intéresse à la « forme » du discours d’Hugo Chávez pour dresser le portrait d’un « clown » ridicule… mais « inquiétant » (comme le dira le présentateur de l’émission). Puis, Ariel Wizman présenté comme « analyste » de la politique d’Hugo Chávez, se pare de la robe d’un « procureur-joailler » pour enfiler, en moins de deux minutes, l’intégralité des perles de la désinformation.


I. Critiquer la forme pour dénigrer le fond

Anne-Elisabeth Lemoine entame son portrait politique d’Hugo Chávez (patronyme qu’elle prononce « Châââvèze » (une prononciation apparemment irréprochable, mais qui liasse transparaître le mépris social omniprésent dans les critiques les plus acerbes formulées contre Chávez) par une évocation d’« Alo Presidente », l’émission hebdomadaire animée par le président vénézuélien. La journaliste explique que ce programme est diffusé « tous les jeudis » et « lance » alors une séquence en images d’une de ces émissions, datée… du 16 février 2007, soit un vendredi. Approximation bénigne, certes, mais ce ne sera pas la seule…

Sur un ton ironique et dédaigneux, elle s’amuse : « Regardez, il y a même un générique ». À l’écran, Chávez applaudit, comme il le fait souvent, à l’attention des téléspectateurs qui le regardent. Finaude, elle commente : « Il s’applaudit lui-même ». Et, sur le plateau, le public, bien élevé, applaudit (s’applaudit ?) lui aussi. Anne-Elisabeth Lemoine renchérit : « Alors il fait tout, il fait l’intervieweur, l’interviewé, il fait des revues de presse, il montre des journaux dans lesquels, évidemment, il est à la “ Une ” ». Ce sera là la seule évocation pendant toute l’émission de relation qu’entretient le président vénézuélien avec « des journaux » dont la quasi-totalité est aux mains d’un secteur privé qui a appuyé le coup d’Etat d’avril 2002 [1]). Passons...


Ni Habitat, ni Ikea…

Commentaire de l’image : Chávez est assis « derrière un magnifique petit bureau rectangulaire » dans une « déco un poil stalinienne derrière, mais enfin bon, tout va bien ». La « déco » en question n’est peut-être pas du meilleur goût. Mais la présentation de cette image (alors que « Alô Présidente » est tourné dans les cadres les plus divers) n’est là que pour justifier l’imputation de stalinisme. Faudrait-il s’inquiéter du fait que le président français, Nicolas Sarkozy, soit amené à s’asseoir dans un mobilier « un poil Empire » (dans les salons de l’Elysée) et craindre qu’il ne révèle – par conséquent – une ambition « impériale » ? La journaliste nous gratifie ainsi d’une « hypallage », cette figure de style par laquelle on « attribue à certains termes d’un énoncé ce qui devrait logiquement être rattaché à d’autre termes de cet énoncé [2] » , le caractère « stalinien » de la « déco » n’étant qu’une qualification rhétorique…du président vénézuélien lui-même.

Le présentateur n’est pas en reste, car manque à cette description un élément éminemment politique de la « déco » : le globe terrestre que l’on aperçoit à l’image. Samuel Etienne renchérit donc avec un sourire : « … avec le globe du dictateur ! [3] » . « Le globe » ? C’est bien connu : tout dictateur se signale par la présence d’un globe à ses côtés. Et l’absence de cette sphère disqualifie d’emblée les plus motivés des prétendants au totalitarisme...


De la chansonnette de Chávez à l’accordéon de VGE

Puis notre chroniqueuse poursuit en relatant les récentes visites de « stars » au Venezuela (il ne citera que les acteurs Sean Penn et Kevin Spacey ainsi que l’ancienne « top model » Naomi Campbell). Plutôt que citer leurs propres commentaires – plutôt favorables – sur les raisons de leurs visites [4], celle-ci préfère attribuer leur présence à un motif de son cru : « peut-être qu’ils se font un peu piéger ». Peut-être aussi que les stars sont de grands enfants et les chroniqueuses de Canal + des machines à décoder les pièges des dictateurs…

Vient alors ce qui pour Anne-Elisabeth Lemoine est sans doute le « coup de grâce » : Chávez serait un « saltimbanque, un intermittent du spectacle » explique-t-elle, car « pendant ses shows télé, il chante. Ecoutez, c’est magnifique. » S’en suivent rires et applaudissements moqueurs. Mais pour que ce fragment prête à rire, il a fallu le couper de son contexte et du contexte de sa réception par le peuple vénézuélien. De quoi se demander ce qui est ainsi tourné en dérision ? Et à quoi tend cette charge ? Suffisait-il, il y a quelques dizaines d’années, à Valéry Giscard d’Estaing de jouer quelques notes d’accordéon pour le disqualifier définitivement ? Comme le note un contributeur au forum de Dailymotion : « Chávez qui chante est un fou... Clinton qui joue du sax est un génie... Y aurait-il un parti pris ? ». La question peut, en effet, se poser…

La satire, parce qu’elle s’exerce contre la tendance des médias à « institutionnaliser la parole institutionnelle », peut avoir des effets salutaires. Encore faudrait-il qu’elle s’annonce clairement comme telle, que la dérision ne se substitue pas à l’information et qu’elle ne travestisse pas la pure et simple propagande : ce n’est manifestement pas le cas ici. Lourdement chargée d’une hostilité politique non dissimulée, la charge d’Anne-Elisabeth Lemoine est un simple prologue : il introduit la performance d’Ariel Wizman qui, lui, parle en spécialiste et prétend s’attaquer au « fond »…


II. Caricaturer le fond… pour ne rien n’en dire

C’est le présentateur de l’émission qui se charge de confirmer que la satire n’était qu’un hors d’œuvre. Il explique : « Alors [passage incompréhensible], on a un président qui a l’air très sympathique comme ça, haut en couleur, mais c’est vrai , Ariel, quand on se penche sur la politique de ce monsieur, le clown devient vraiment inquiétant ». Chávez n’a pas été peint en « clown » : c’est un « clown ». Un « clown inquiétant ». Et puisque « c’est vrai, Ariel », l’acte d’accusation qui suit fait office d’information… indiscutable.


Caricatures

Une performance : en une grosse centaine de secondes, Ariel Wizman, parvient à « caser » la quasi-totalité des grands classiques de l’opposition à Chávez. Approximations et mensonges de propagande tiennent lieu de fait vérifiés et vérifiables.

Pour évoquer Hugo Chávez - « ce type-là », dit-il -, Wizman commence par l’évocation d’une récente altercation qui l’opposa au roi d’Espagne, Juan Carlos Bourbon. En vidant l’altercation de son contenu, il s’agit, sans doute, de suggérer que Chávez, le trublion des sommets diplomatiques, n’a eu que ce qu’il méritait. Pour Wizman, l’affaire se résume ainsi : « Souvenez-vous, [Chávez] avait quasiment claqué le beignet au Roi d’Espagne, au point que le roi d’Espagne lui dit "Mais, pourquoi tu ne la fermes pas ?" » Sauf que le récit est factuellement faux. Et s’il y a bien eu une altercation, Chávez ne répondait pas au Roi d’Espagne, mais au président du gouvernement espagnol [5].

Le chroniqueur en vient alors à la « substance » de son analyse : « Alors, Chávez, c’est l’héritier d’une idéologie qui est tenace en Amérique latine, qui est, en fait, la conséquence d’agissements impérialistes des Etats-Unis, hein, dans ce continent dans les années 70 ». Cette idéologie, « tenace » comme une tâche dont on ne parvient pas à se défaire, n’est pas tant discréditée pour ce qu’elle est (une dénonciation de l’impérialisme américain en Amérique latine), mais comme un héritage archaïque qui remonte aux années 70. Et comme Wizman n’oserait pas présenter une chronique sur Canal+ en « patte d’éléphant » et en chemise à fleur, il décrète que les options politiques doivent suivre la mode, sous peine de passer pour un héritage ringard, une vielle idéologie.


Quelle idéologie ?

L’idéologie de Chávez, « c’est un mélange de populisme, de guévarisme, de "fol-klo-risme" [il détache les syllabes comme pour souligner la difficulté qu’il y a à décrire la bouillie politique qu’il a lui-même préparée] et surtout de tiers-mondisme avec toutes les caricatures. Il y a évidemment à ses côtés, le président bolivien Evo Morales, Lula, au Brésil, l’aime bien aussi, Fidel Castro, et puis, alors, toute la cohorte des dictateurs dans le monde : Mugabe, Ahmadinejad. »

Expert en « caricatures », Wizman, amalgame tout et n’importe quoi et avec la prétention désinvolte et arrogante du « politologue » de pacotille qui escompte que les suffixes en « isme » donnent des gages de sérieux. A ses yeux le tiers-mondisme se confond avec ses « caricatures ». Et les relations diplomatiques du président vénézuélien – aussi discutables soient-elles – avec des dictateurs avérés suffisent à résumer sa politique. On ne doute pas que Wizman réduise, ainsi, les deux mandats de George W. Bush à ses rapports avec Pervez Musharraf, ceux de Jacques Chirac à ses liens avec l’algérien Bouteflika et la politique de Nicolas Sarkozy à ses coups de téléphone avec N’Djaména (capitale du Tchad).

Conclusion de l’énumération : « Alors, heu, ça se fonde sur une idéologie rouge-brun , en quelque sorte. » Puisqu’on vous le dit !


Mensonges

Après avoir égratigné au passage le mouvement altermondialiste - (« à l’extérieur, c’est très sympathique, ça fait très altermondialisme Manu Chao, très Michael Moore. ») - , le journaliste continue : Chávez, « c’est un type qui est ouvertement antisémite ». « Antisémite » ? L’accusation lancée en France par Libération, faute d’arguments, a été classée sans suite [6]. L’adverbe « ouvertement » vaut pourtant ici démonstration.

Non content d’être « antisémite », Chávez « c’est également quelqu’un qui instaure une répression avec des bandes armées, des escadrons de la mort, une confiscation des ressources, un bâillonnement de la presse en général dans son pays. »

« Une répression avec des bandes armées, des escadrons de la mort » ? Des camps de concentration peut-être ? Dès lors qu’on abolit la nécessité d’apporter la moindre preuve, pourquoi s’arrêter en chemin ?
— Une « confiscation des ressources » ? Des nationalisations pourtant payées à leur prix de marché…
— « Un bâillonnement de la presse en général » ? Celle, bien sûr, dont les journalistes ne sont pas encore tombés aux mains des « escadrons de la mort »… Même Reporters sans Frontière n’avait pas encore osé.

Pour conclure, Wizman prend de la hauteur : le Venezuela est un pays qui « n’est pas différent des autres pays du Tiers monde, à savoir qu’il y a une élite très riche et un pays très pauvre, tout simplement ». « Tout simplement », la situation d’extrême inégalité sociale du pays est si ordinaire qu’elle en devient presque naturelle … puisqu’elle existe partout. Il suffit donc, « tout simplement », de s’y faire… Estimant que son exposé vaut démonstration, Wizman achève alors son chef d’œuvre par un « donc » récapitulatif : « Donc, Chávez est cet espèce de caudillo dont on se demande s’il va nous amener un bon cadeau de Père Noël, à savoir la libération d’Ingrid Bétancourt. »


Cinq minutes de procès

A l’issue de ces cinq minutes de procès, qu’aura-t-on appris ? Tout d’abord :

— qu’il arrive à Chávez de parler dans des décors qui ne sont pas du goût des journalistes de Canal+ ;
— qu’il présente une émission de télévision, laquelle a son propre générique, et pendant laquelle il lui arrive de parler plus de sept heures durant ;
— qu’il arrive à Chávez de chanter ;

Des conditions de cette émission, des ses motifs, de sa construction, de sa fonction et de ses contenus, on ne saura rien.

On aura également appris :
— que Juan Carlos Bourbon lui a demandé de « la fermer » ;
— que l’idéologie qui l’anime est aussi « archaïque » que les inénarrables « ponchos » latino-américains à l’époque du Gore-tex ;
— qu’Hugo Chávez, est un « rouge-brun », « antisémite » à la tête d’un Etat répressif qui lance des « escadrons de la mort » à l’assaut de ses opposants, mais qui, apparemment, n’est pas pédophile et ne mange pas ses femmes ;.
— qu’il est à la tête d’un pays dont la structure sociale ne peut-être modifiée.

Des réalités économiques et sociales du pays, des raisons qui ont mené une grande partie de la population à rejeter le modèle capitaliste mondialisé et à souhaiter tenter de construire un « socialisme du XXIe siècle », des enjeux et du contenu de la Constitution soumise au vote et rejetée quelques jours après la diffusion de l’émission, , on ne saura rien. Le public, auquel on retire la possibilité même de se forger sa propre opinion sur un processus politique dérangeant, sera donc sommé de s’en remettre à la condamnation experte de ceux qui savent, et qui n’ont pas besoin de prouver… Après tout, l’objectif n’était pas d’informer, mais de rire d’un « clown » et de condamner un tyran.

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Annexe : Transcription de la chronique d’Ariel Wizman

— Présentateur : - « Alors (incompréhensible), on a un président qui a l’air très sympathique comme ça, haut en couleur, mais c’est vrai , Ariel, quand on se penche sur la politique de ce monsieur, le clown devient vraiment inquiétant ».

— Ariel Wizman (AW) : - « Et bien, moi, je plains la famille Betancourt dont le sort d’Ingrid dépend, au fond, de Chávez, de ce type là et déjà j’espère que la rencontre Chávez-Sarkozy se passera mieux que la rencontre Juan Carlos Chávez. Souvenez-vous, il avait quasiment claqué le beignet au Roi d’Espagne. »

Une séquence vidéo du forum ibéro-latino-américain où eut lieu l’altercation suit, avec un « son » (répété) du roi espagnol qui dit : « Porque no te callas ? » traduit à l’écran par « Pourquoi tu ne te tais pas ? »

— AW : - « Au point que le roi d’Espagne lui dit « Mais, pourquoi tu ne la fermes pas ? ». Alors, Chávez, c’est l’héritier d’une idéologie qui est tenace en Amérique latine, qui est, en fait, la conséquence d’agissements impérialistes des Etats-Unis, hein, dans ce continent dans les années 70. Je suis sûr, Nicolas, que vous avez porté un poncho par solidarité… »

— Nicolas Domenach : - « Et oui, et j’ai même chanté les Calchakis groupe de musique andine »

— AW : - « Voilà, alors, c’est un mélange de populisme, de guévarisme, de “folklorisme” [il détache les syllabes comme pour souligner la difficulté qu’il y a à décrire une telle bouillie politique] et surtout de tiers-mondisme avec toute les caricatures. Il y a évidemment à ses côtés, le président bolivien Evo Morales, [une incrustation d’un article du journal Le Figaro apparaît à l’écran, dont on ne lit que le titre « La tentation cubaine de Hugo Chávez »], Lula, au Brésil, l’aime bien aussi, Fidel Castro, et puis, alors, toute la cohorte des dictateurs dans le monde : Mugabe, Ahmadinejad avec lesquels, il a décidé, à l’instar de son ennemi, Bush, de former, lui, un axe du bien. Alors, heu, ça se fonde sur une idéologie rouge-brun, en quelques sortes. A l’extérieur, c’est très sympathique, ça fait très altermondialisme Manu Chao, très Michael Moore.

C’est un type qui est ouvertement antisémite, c’est également quelqu’un qui instaure une répression avec des bandes armées, des escadrons de la mort, une confiscation des ressources, un bâillonnement de la presse en général dans son pays. Et, ce pays, le Venezuela, qui est assis sur d’énormes ressources pétrolières, n’est pas différent des autres pays du tiers-Monde, à savoir qu’il y a une élite très riche et un pays très pauvre, tout simplement, donc Chávez est cette espèce de Caudillo dont on se demande s’il va nous amener un bon cadeau de Père Noël, à savoir la libération d’Ingrid Bétancourt. Il a une relation épistolaire avec le chef des FARC [incrustation d’une caricature signée Plantu, du Monde du 20 novembre 2007, de Chávez en magicien] et il dit “je vais aller dans la jungle”et Sarkozy dit, paraît-il, “je vais le suivre pour aller chercher Ingrid Bétancourt ”. Quand on a passé ses vacances chez Bush, c’est quand même assez paradoxal, je trouve. »

— Présentateur : - « Merci Ariel et, en effet, maintenant on attend le résultat de ce déjeuner à l’Elysée avec le président Sarkozy. »

NOTES:

[1] Lire, à ce sujet, les articles disponibles sur le site d’Acrimed

[2] Selon le site Etudesittéraire.com.

[3] C’est nous qui soulignons ici et plus loin.

[4] Sean Penn, plutôt favorable, par exemple dans le Late Show de David Letterman (le 1er octobre 2007), consultable sur Youtube - Kevin Spacey, plutôt favorable, comme le reflète notamment une dépêche de Bloomberg du 25 septembre 2007 - Naomi Campbell, plutôt favorable, elle aussi, comme le souligne notamment une dépêche de l’AFP, du 1er novembre 2007, consultable ici.

[5] Rappel des faits (à partir d’un article de Romain Migus, paru sur le site Le Grand soir.) Réunis lors du 17ème sommet ibéro-américain, en novembre dernier, le président du gouvernement espagnol, José Luis Zapatero, termine son allocution en ces termes : « un pays ne pourra jamais avancer s’il cherche dans des facteurs extérieurs des justifications quant à ce qui empêche son développement. » Jugeant qu’il est bon de rappeler que des « facteurs extérieurs » tel qu’un putsch soutenu par l’Espagne et les Etats Unis ont « empêché le développement » du Venezuela, Hugo Chávez intervient alors en affirmant que, pour lui, l’ancien président du gouvernement espagnol (Aznar) – qui avait donc soutenu le coup d’Etat de 2002 -, était tout bonnement « fasciste ». Une intervention vigoureuse qui déclenche aussitôt la colère du roi Juan Carlos Bourbon, lequel, violant les règles du protocole diplomatique, se permet d’interrompre Chávez en le sommant de « la fermer ».

[6] Lire notamment ici même : « Le journalisme d’imputation : Chávez accusé d’antisémitisme »,11 janvier 2006.


RISAL - Réseau d'information et de solidarité avec l'Amérique latine

URL: http://risal.collectifs.net/

Source : Acrimed (http://www.acrimed.org), 5 décembre 2007.

Coup de massue pour l’opposition

Le 3 décembre, Hugo Chavez a été confortablement réélu à la tête du Venezuela, avec 61,35 % des voix contre 38,39 % à Manuel Rosales, son principal opposant.

L’écart entre les deux candidats à la présidence du Venezuela, lors de l’élection du 3 décembre, est tel qu’il n’a pas laissé à Manuel Rosales d’autre choix que d’admettre sa défaite. La victoire de Hugo Chavez est indiscutable dans tous les États du pays, y compris ceux où l’opposition était majoritaire en 2006. Dans certains États, son score dépasse les 75 %. Les votes se sont déroulés dans le calme le plus complet, mis à part l’agression dont ont été victimes, en allant voter, le maire de Caracas, Juan Barreto, et le ministre de la Planification, Jorge Giordani. Les Vénézuéliens sont allés massivement voter, se levant parfois à trois ou quatre heures du matin pour prendre leur place dans la file d’attente.

Manuel Rosales, profitant de la dynamique qu’il a su créer autour de lui, apparaît comme l’homme fort de l’opposition. Pourtant, l’importance de l’écart avec Chavez et sa défaite dans son propre État sont un coup de massue supplémentaire à une opposition qui avait presque fini par croire aux illusions qu’elle avait semées à grand renfort de sondages trafiqués. Tout en accusant Chavez de populisme, Rosales n’a pas hésité à proposer à tous les Vénézuéliens qui en feraient la demande une carte de crédit de 200 à 400 euros mensuels, activée en cas de victoire. Cela s’appelle, tout simplement, acheter des voix...

Si l’opposition apparaît pour une fois unie, il en faut encore beaucoup pour qu’elle regagne du crédit auprès du peuple vénézuélien. C’est sous les cris de « Vive la révolution socialiste » que Chavez a porté ses premières appréciations : « Un monde meilleur est possible, dans lequel seraient respectés les droits de l’Homme, la souveraineté et l’indépendance des nations pour une société où l’égalité domine. » Selon lui, il faut « approfondir la révolution bolivarienne » et « trouver la voie vénézuélienne vers le socialisme ». Répondant aux aspirations populaires et à celles de la gauche révolutionnaire vénézuélienne, il a déclaré « dégainer deux épées : l’une contre la corruption, l’autre contre la bureaucratie ».

Tout le camp du président s’est mobilisé pour cette douzième victoire électorale consécutive, même si, des mots aux actes, la frange la plus radicale sait qu’il y a encore du chemin et que nombreuses sont les interprétations possibles du mot « socialisme ». Le courant de lutte de classe dans le syndicat UNT, le Parti de la révolution et du socialisme (PRS) et le Projet notre Amérique savent que leurs responsabilités sont importantes pour faire gagner des luttes sociales : installation de nouveaux paysans, nationalisations, hausse des salaires, droit à la contraception et à l’avortement, autogestion ouvrière sont autant de chantiers que la gauche révolutionnaire mettra au premier plan, en proposant une stratégie de confrontation avec le capitalisme vénézuélien, ainsi qu’avec les secteurs bureaucratiques qui occupent une partie du pouvoir politique.

De Caracas, Yannick Lacoste
Publié dans: Rouge

Les pieds de Greta Garbo


Nouvelle tempête de mensonges du Monde contre la révolution vénézuélienne


par Thierry Deronne *
C´est sous ce titre que l´écrivain Julio Cortazar écrivait au Monde dans les années 80 pour lui reprocher son refus de voir les avancées de la révolution sandiniste au Nicaragua. Dès que la liberté y avait abandonné le champ philosophique et s´était transformée en réalité pour des milliers de paysans sans terre, de coupeurs de bananes, d´enfants promis la tuberculose, la machine médiatique s´était mise à fabriquer le “totalitarisme sandiniste”. Jouant du piano a quatre mains avec ceux qui finançaient les attaques meurtrières de la “contra”, le Figaro Magazine puis le Monde (sous la plume d´un certain de la Grange) ne s´étaient rien refusé, inventant de soi-disants “charniers sandinistes”, démentis par la suite par Amnesty. La guerre médiatique ne cessa que le jour oú, vaincus électoralement, les sandinistes remirent le pouvoir a l´opposition. Les éditoriaux applaudirent alors les “grands démocrates” dont ils juraient la veille qu´ils s´éterniseraient au pouvoir en bons “marxistes totalitaires”. Les correspondants firent leur valise. Le Nicaragua disparut du champ médiatique tandis qu´on reprivatisait la santé, reprenait les terres aux paysans et que revenait au galop le cortège de mortalité infantile, de prostitution, d´analphabétisme. Le tiers de la population émigra du pays redevenu “libre”.
Comment ne pas se souvenir des protestations sans réponse de Cortázar au Monde, en voyant ce soir de janvier 2007, le peuple sacrifié revenir sur cette place de Managua oú Daniel Ortega assume la présidence ? A ses côtés, Hugo Chávez interroge la foule : Imaginez un instant ce que serait ce pays aujourd´hui, sa santé, son éducation, si on n´avait détruit sa révolution ?”. Les 32 centrales électriques que le Vénézuéla envoie immédiatement au Nicaragua produiront 60 megawatts, mettant fin au cauchemar quotidien des coupures de courant. Des tracteurs suivent déjà, comme ceux envoyés en Bolivie. Le correspondant du Monde, un certain Nicolas Bourcier, est soulagé : “Un feu d´artifices conclut la cérémonie. Ortega s´en va. Pas une fois, il n´a prononcé le mot “révolution” (12.01.2007). Ortega a bien prononcé le mot, évoquant le boom de l´analphabétisme sous l´ère néo-libérale.
Depuis huit ans, Garbo est vénézuélienne mais le Monde refuse toujours de lever les yeux. La technique est immuable. Minimiser les réformes sociales, les politiques Sud-Sud et la démocratie participative pourtant sans précédent. Occulter les idées et l´engagement des millions de citoyen(ne)s qui en bénéficient. Marteler que Chávez surfe sur le pétrole, qu´il n´a donc aucun mérite. Et que si ce “national-populiste” n´est pas encore dictateur, c´est qu´il le deviendra.
Décembre 2006. En pleine liesse populaire, Hugo Chávez repart pour un nouveau mandat, réélu avec 62,8 % des votes et un taux record de participation. Avec une dizaine d´élections en huit ans validées par les observateurs, Chávez “injecte une forte dose de vitamines démocratiques á l´Amérique Latine” dit l´écrivain Eduardo Galeano. Au moment oú le gouvernement français veut privatiser le gaz et l´électricité, exposant sa population à payer plus, Hugo Chávez, plus démocrate et visionnaire, respecte ses promesses. Il ordonne la nationalisation de la compagnie d´électricité et de celle du téléphone, la récupération de toutes les industries-clefs privatisées par les gouvernements précédents, le renforcement du contrôle de l´État sur l´industrie pétrolière et sur la Banque Centrale en vue d´accélérer le développement du pays, la démocratisation accélérée de l´État par l´octroi de nouveaux pouvoirs aux Conseils communaux et la convocation d´une assemblée constituante.
Vous avez aimé Castro ? vous aimerez Chávez” répond le Monde (19.12.2006), qui traite le président vénézuélien de “n´importe-quoi-iste” et de “caricature du populisme”. Aux envoyés spéciaux de donner un semblant de “couleur locale” à cette ligne. La liste de leurs mensonges est longue. La palme revient à un certain Paulo A. Paranagua, ex-membre d´un groupe armé argentin qui admirait Cuba dans les années 70, et qui a retourné sa veste depuis. En l´embauchant, Edwy Plenel s´est sans doute rappelé qu´un nouveau converti est toujours plus fanatique qu´un original de droite. Mais sa rage ne s´explique pas seulement par l´expiation d´un passé gauchiste. L´image des avant-gardes armées prend un coup de vieux à l´heure oú les peuples construisent eux-mêmes, à travers des assemblées constituantes, le socialisme du XXIème siècle. Paranagua punit ces peuples trop intelligents à coup d´épithètes. Evo Morales et ses indiens ? “Incultes et illettrés”. Les vénézuéliens ? “Des buveurs de whisky, fascinés par les États-Unis”. En janvier 2005 il annonce l ´annulation d´un sommet entre Evo Morales et Hugo Chávez, à la suite de “tensions” entre les deux gouvernements. C´est faux. Le sommet se tient quelques jours plus tard à Caracas, jetant les bases d´une coopération qui n´a cessé de croître dans tous les secteurs.
Le 09.01.2007, dans “les raisons de la popularité de Chávez” le Monde attaque la victoire “apparemment” démocratique du président. Un peuple qui vote contre le néolibéralisme, ça n´existe pas, ni en France ni au Vénézuéla. Chávez se maintient au pouvoir par une force magique, au-delà des urnes. En 2004 déjà Sylvie Kauffman découvrait que “Hugo Chávez est doué d´un instinct de survie exceptionnel” et qu´il “est passé maître dans l´art de manoeuvrer”. Cette fois, le Monde reprend les thèses de Alfredo Ramos Jimenez et de Carlos Romero, cautions universitaires et ultra-conservatrices de la droite vénézuélienne :
lLe nombre de spots télévisés et de pages de publicité” en faveur de Chávez. Le Monde ne dit pas qu´au Vénézuéla, 95 % des chaînes de télé, radio et presse écrite, sont aux mains de l´opposition et des transnationales. Beaucoup de ces médias ont été impliqués dans le coup d´État sanglant de 2002. Cette “dictature médiatique” rend d´autant plus remarquable la victoire de Chávez.
lRevêtir la chemise rouge et participer aux mobilisations”chavistes” est une obligation à laquelle on ne saurait se soustraire, sous peine de perdre l´emploi ou l´aide publique” ; De plus, il y a “1,3 millions de votants dont l´adresse ne figurerait pas sur les listes”. Le Monde ne dit pas qu´au Vénézuéla le vote est secret, ni que cette campagne quotidienne des chaines commerciales de l´opposition sur le thème de la “cubanisation” ou de la “fraude” a fait sourire les observateurs et experts électoraux du monde entier. L´Organisation des États Américains, l´Union Européenne, l´Asociación de Juristas Latinoamericanos et le Centre Carter, ont qualifié le processus électoral de décembre 2006 de “transparent, équitable et démocratique”.
l2 millions d´électeurs naturalisés – essentiellement des colombiens”. La république bolivariennne a, ces dernières années, réglé une vieille dette democratique en régularisant les étrangers qui prouvent légalement qu´ils vivent et travaillent depuis dix ans au Vénézuéla. Passer de la clandestinité à la citoyenneté, c´est pouvoir ouvrir un compte bancaire, signer un contrat, louer une maison, inscrire ses enfants a l´école, et voter. Le Monde suggère-t-il de rétablir le suffrage censitaire pour sauver la démocratie ?
Le Monde attaque ensuite la politique du gouvernement bolivarien :
lles missions éducatives sont des palliatifs qui ne modifient pas une éducation nationale défaillante”. C´est faux. Grâce à la Misión Robinson, le Vénézuéla a été déclaré par l´UNESCO territoire libre de l´analphabétisme en novembre 2005. Le gouvernement a supprimé le paiement de droits d´inscription dans les écoles publiques, construit 650 nouvelles écoles et pris en charge 10.000 de plus. Il a créé l´Université Bolivarienne qui accueille les secteurs populaires exclus jusqu´ici des études supérieures, oú 400.000 jeunes étudient grâce à la Misión Sucre. Record historique, 12 millions de vénézuéliens, près de la moitié de la population totale, étudient.
lQuant au logement décent auquel aspirent des millions de vénézuéliens, le gouvernement a échoué à lancer un programme de construction digne de ce nom”. C´est faux. En 2006 le gouvernement a investi 6,6 milliards de bolivars, construit 13.068 logements nouveaux et veut en construire deux cent mille en 2007. La baisse du taux d´intérêt hypothécaire, passé de 35 % avant 1998 à 5 % actuellement, a permis l´accès au logement à plus de 73.000 familles.
ll´absence de plan de développement susceptible de créer des emplois en nombre suffisant pour faire baisser le chômage, déguisé par le truquage des statistiques et par l´économie informelle”. C´est faux. La première année, Chávez trouve un chômage à 15,3 %. En 2002-2003, le coup d´État et le sabotage économique font exploser ce taux à 19,2 %. En quatre ans, grâce aux mesures gouvernementales, le chômage a perdu 10 points, tombant à 9, 6 %.
lLe gouvernement “arrose” tous azimuts, que ce soit par les programmes sociaux, la corruption, le crédit bon marché ou les cadeaux faits aux banques.” C´est faux. Loin d´acheter la “paix sociale” comme le faisaient les gouvernements antérieurs, le gouvernement Chávez assortit les crédits, les missions (Vuelvan Caras, Madres del Barrio, etc..) de formations et de mécanismes de soutien par lesquels les bénéficiaires peuvent créer des activités socio-productives.
lLe 11.12.2006 le Monde affirme que “Chávez n´a pas réussi à faire baisser la pauvreté”. C´est faux. En sept ans de révolution, le nombre de foyers pauvres a baissé de 49.000 à 33.900 . A quoi il faut ajouter l´accès gratuit aux soins, à l´éducation, au logement. Le salaire minimum est passé de 36 dollars en 1996 à 238 dollars en 2006, soit une augmentation de 560 %. Sous les gouvernements antérieurs l´augmentation ne dépassait jamais l´inflation, ce qui la rendait fictive.
Dans “Au Vénézuéla, viva la corrupción !” (01.01.2007) le Monde va plus loin et affirme sans preuve que le président Chávez “a l´habitude de voyager à l´étranger avec des valises de pétrodollars”. Puis il part du fait que l´orientation du FONDEN, Fonds de Développement National se trouve constitutionnellement sous l´autorité du chef de l´État pour en faire “une grosse tirelire dont l´usage dépend exclusivement du président de la République et du ministre des finances”, “sans règles connues ni obligation de publier ses entrées et ses dépenses.”. C´est faux. Les réserves internationales, en augmentation constante grâce aux cours du pétrole, n´appartiennent pas à la Banque Centrale mais à la République, laquelle consacre enfin les excédents (au-delà d´un plafond de 29,9 milliards de dollars) à de multiples programmes sociaux en faveur de millions de vénézuéliens. Ce samedi 13 janvier, comme chaque année, le président Chávez a présenté à l´Assemblée Nationale le bilan de la gestion 2006, rendant compte de la dépense publique. Cet épais document, accessible par tous, détaille les projets financés par le FONDEN.
Evidemment, dans un libre marché en pleine croissance et compte tenu de la culture héritée des régimes antérieurs, la corruption a fait des progrès. Tout le monde, à commencer par le président Chávez, le souligne. Mais le Monde veut convaincre le lecteur que “la corruption découle de la facon de gouverner de Chávez”. En oubliant de dire que contrairement à l´époque de Carlos Andres Perez (social-démocrate populiste), le gouvernement n´est plus nommé par l´entreprise privée. Le 9 janvier 2007 (quelques jours avant que Rafael Correa, nouveau président de l´Equateur, prenne une mesure semblable) le président Chávez annonce la réduction des salaires excessifs des fonctionnaires. Il dénonce devant les députés ceux qui gagnent entre 7 et 30 millons par mois, en plus des frais généraux et autres pensions multimillonnaires, et l´époque oú “les ministres, les gouverneurs qui achevaient leur mandat sans s´être offert une villa, étaient vus comme des idiots alors que les corrompus étaient reconnus comme des êtres intelligents”. Tirant les enseignements de nombreux témoignages reccueillis au cours de la campagne électorale, il ordonne aux ministres de passer trois jours par semaine à labourer le pays, pour dresser avec la population des rapports circonstanciés sur tout ce qui ne va pas dans les politiques publiques. A la différence de la France ou du Brésil, le Vénézuéla s´attaque à la corruption à travers une arme redoutable : la démocratie participative. Conscient qu´il ne peut mettre “un policier derrière chaque fonctionnaire”, le gouvernement a fait adopter en 2005 la loi des Conseils Communaux qui dote les communautés du pouvoir de contrôler l´usage des fonds publics. 18.238 de ces conseils se sont déjà formés, soit des centaines de milliers de citoyens exerçant le “contrôle social” sur l´éxécution des politiques publiques (éducation, infrastructures, logement, santé, agriculture, transport). En 2007 cinq milliards de dollars seront transférés et administrés par les conseils communaux dont le pouvoir sera renforcé par de nouvelles lois.
Si le Monde avait enquêté sur le terrain, il aurait remarqué de nombreux commerces fermés pendant un ou deux jours, et lu sur leur vitrine, les avis du SENIAT (fisc national) informant les badauds des fraudes commises et du manque à gagner pour les politiques d´éducation, de santé, et pour la sécurite sociale. Alors que sous les gouvernements antérieurs, la corruption annulait une grande part de la rentrée d´ impôts, l´opération “evasión cero” (fraude zéro) a permis de récupérer pour le budget de l´État la somme de 52,2 milliards de bolivars.
En recyclant le cliché colonialiste du “viva la corrupción !”, le Monde conduit ses lecteurs à une grave inintelligence de ce qui se passe aujourd´hui au Vénézuéla, en Bolivie ou en Equateur. Simon Bolivar et Simon Rodriguez, dont se réclament aujourd´hui Evo Morales, Rafael Correa et Hugo Chávez, disaient leur refus de copier les “républiquettes” européennes. Sans pelotons d´éxécution mais par la force pacifique du nombre, les assemblées constituantes refondent des républiques plus aptes à résoudre les problèmes de corruption qu´une Europe dominée par les forces du marché.
Le 08.01.2007, le Monde laisse entendre que le Vénézuéla s´achemine vers la création d´un “parti unique” et que “Chávez impose a ses partisans et au gouvernement une centralisation accrue”. C´est faux. Le débat, qui commence à peine, sur le parti “unido” - c´est-à-dire uni et non pas “unique” - répond au besoin de créer un grand parti de gauche (sur le modèle du PT brésilien original). C´est le même défi qu´affronte Rafael Correa, qui vient d´assumer la présidence de l´Equateur après sa victoire surprise contre les partis traditionnels, celui d´unifier un mouvement politique cohérent, solide, autour de sa révolution citoyenne et de réunifier le mouvement indigène face à des partis qu´il considère comme de “véritables mafias liées à des intérêts privés ou familiaux”. Au Vénézuéla, il s´agit de dépasser l´électoralisme qui marquait le MVR, structure hétéroclite créée lors de la première campagne de Chávez face aux machines à frauder du bipartisme rivé au pouvoir – Acción Democràtica (social-démocrate) et Copei (démocrate-chrétien). Chávez propose que ce nouveau parti de gauche, qui s´insèrera parmi une quarantaine de partis de droite et de gauche, élise ses dirigeants démocratiquement, par le vote de la base, et non par cooptation au sommet.
Paranagua cite le sociologue Edgardo Lander de l´Université Centrale du Vénézuéla, pour qui “l´identité entre l´État et un parti ne conduit pas à la démocratie”. Contacté par nous, Edgardo Lander s´amuse de cette manipulation : “jamais Paranagua ne m´a contacté. Mon opinion se résume à : il faut poursuivre le débat.
Le 02.01.2007, le Monde affirme que “Hugo Chávez veut mettre au pas une télévision “putchiste”. C´est faux. Le spectre des ondes hertziennes, qui n´est pas illimité, est un patrimoine public comme l´air, l´eau, la terre. Il n´appartient à nul entrepreneur privé mais à tous les vénézuéliens. La concession octroyée il y a vingt ans par l´État à l´entreprise commerciale RCTV, arrive à son terme en mai 2007. Or RCTV n´a cessé d´attenter contre les institutions démocratiques en incitant à la haine, à la violence, en participant activement à la préparation et à la réalisation du coup d´État sanglant d´extreme-droite du 12 avril 2002 contre le président Chávez (voir le documentaire de Kim Bartley, la Révolution ne sera pas télévisée). Tandis que le dictateur Carmona dissout toutes les institutions démocratiques et fait réprimer les partisans de Chávez, le directeur de RCTV, Marcel Granier, accourt au palais pour le féliciter et, de là, impose le black-out de la chaîne sur la résistance populaire. Certains journalistes démissionnent, comme Andrés Izarra, directeur de l´information. Lorsque la population chasse finalement les putschistes, le 13 avril, elle encercle le siège de RCTV, protestant contre la censure. En 1989 déjà, occultant les 3000 morts que l´armée vient de massacrer sur ordre de Carlos Andrés Pérez, la chaîne appelle les vénézuéliens à rentrer chez eux puisque “la paix est revenue”. En décembre 2002, RCTV appelle de nouveau à renverser le président Chávez, et se fait porte-parole quotidienne des militaires putschistes de la Plaza Francia puis des organisateurs du putsch pétrolier (remake de la grève des camionneurs contre Salvador Allende). De nombreuses voix avaient alors réclamé la fermeture d´un média contre lequel n´importe quel autre gouvernement aurait pris immédiatement des mesures. Celui du Vénézuéla a préféré attendre l´expiration légale de la concession.
Il ne s´agit donc ni de fermer RCTV, ni de l´exproprier : l´entreprise pourra continuer à émettre par cable et par satellite. Il s´agit de démocratiser la fréquence qu´elle a occupée durant le laps de la concession, en l´octroyant à une coopérative mixte de travailleurs dont les droits ont toujours été bafoués par le patron de RCTV, d´enseignants qui ont analysé les effets pervers de la violence transmise par RCTV, de journalistes que la chaîne a forcés à se transformer en vendeurs de portables ou de crêmes faciales, de producteurs indépendants exploités dans sa maquila des telenovelas, et d´organisations citoyennes ou de médias associatifs jusqu´ici exclus par racisme ou par mépris social. Des ambassadeurs africains avait protesté par écrit auprès de RCTV en mars 2004, lorsque la chaîne avait traité plusieurs chefs d´État noirs, reçus par Chávez, de “singes”.
Atteinte au pluralisme éditorial !” proteste RSF, cité par Marie Delcas. Quel pluralisme ? Celui du quasi monopole privé de la communication ? Dans le cas de RCTV, quoi de plus démocratique que de permettre à un collectif pluraliste de créateurs d´en faire autre chose qu´une machine à organiser des coups d´État ? S´il s´agit vraiment de défendre le “pluralisme éditorial” ou la “liberté d´expression”, pourquoi le Monde ou RSF n´ont-ils pas protesté lors de la répression des médias communautaires ou de la fermeture, réelle celle-là, de l´unique chaîne publique par les putschistes de 2002 ? Pourquoi restent-ils muets sur la complicité de médias privés dans les violations des Droits de l´Homme, lorsqu´ils traitent d´”envahisseurs” ou de “guérilleros” les paysans assassinés lorsqu´ils réclament une terre pour la travailler ? Pourquoi n´enquêtent-ils pas sur le mouvement profond de démocratisation de l´information, dont le Vénézuéla est pour l´heure le seul exemple au monde ? Une loi pensée, mûrie avec les médias associatifs permet en effet aux organisations citoyennes d´accéder au spectre radio-électrique, le seul frein à cette démocratisation restant le quasi monopole privé des fréquences. Déjà près de deux cents radios et télés associatives (réprimées sous les gouvernements antérieurs) ont été légalisées, deux cents autres sont en voie de l´être. Sans que leur parole ne soit contrôlée par le gouvernement. Cette explosion de liberté s´accompagne de la reconstruction du service public de la télévision avec TeleSur ou Vive TV. Celle-ci transmet de nombreux programmes participatifs réalisés par les organisations populaires ainsi que des productions indépendantes, des documentaires sociaux d´Amerique Latine et du monde entier. Ce nouveau mode de production d´une information “socialement utile”, qui transforme les codes de la communication marchande, amorce la praxis de quarante ans de théorie critique de la communication.
En ce qui concerne RSF, le Monde ne dit pas que la première correspondante de RSF au Vénézuéla, Maria Sol Pérez Schael, membre de l´opposition, confiait au journal El Universal que son coeur vibrait à la vue des militaires putschistes. Ni que dans sa revue “Médias”, le directeur de RSF Robert Ménard, écrivait : “Les alters ont toutes les indulgences pour l´ex-putchiste Hugo Chávez, ce caudillo d´opérette qui ruine son pays mais se contente – pour l´instant ? - de discours à la Castro sans trop de conséquences réelles pour les libertés de ses concitoyens”... Ni que la journaliste Naomi Klein a reproché à RSF de confondre liberté d´expression et liberté d´entreprise alors que la plus grande menace sur la liberté d´expression ne vient plus des États mais du monopole privé de la communication.
C´est une vielle ruse de l´Histoire que de voir des entreprises privées de communication s´autoproclamer “médias d´information”. Cela leur permet d´en appeler à la “liberté d´expression” quand leurs intérêtss sont menacés. RSF n´existait pas encore quand Armand Mattelard analysant l´alliance de la SIP (société de propriétaires de médias) et des grands médias chiliens dans le coup d´État contre Allende, écrivait : “L´enquête judiciaire sur l´administration du journal El Mercurio, accusé d´irrégularités fiscales, a servi de prétexte pour dénoncer de soi-disant mesures coercitives contre “la presse libre”. Le message émis par la presse de la bourgeoisie chilienne revient à sa source, renforcé par l´autorité que lui confère le fait d´avoir été reproduit à l´étranger. Nous sommes en présence d´une SIP tautologique. Sa campagne n´est qu´un immense serpent qui se mord la queue.
Conclusion à l´heure des chacals
Une des sources écartées par le Monde, et qui caractérise pourtant le processus vénézuélien, est la critique populaire à tous les échelons. Dans les conseils communaux, dans les médias associatifs, dans les manifestations et les assemblées citoyennes, cette critique sans baillon fait bouger les choses. Lorsqu´on demande aux vénézuéliens ce qu´ils pensent de la révolution, surgit un flot de reproches amers sur la corruption, la bureaucratie, les promesses non tenues. Mais lorsqu´on leur demande pour qui ou pour quoi ils votent, la réponse majoritaire est : pour que continue le processus. C´est que contrairement au système antérieur, l´actuel permet de transformer la critique en changements concrets. Ce qui explique le score croissant d´un président, apres huit ans de gouvernement, là oú on attendrait l´usure. Si les peuples font eux-mêmes la critique, s´ils connaissent mieux que quiconque leurs problèmes et les possibles solutions, pourquoi ne pas les écouter ?
La critique du Monde est d´une tout autre nature. C´est du point de vue d´une minorité infime que le Monde attaque le fait que les réserves d´une banque centrale puissent servir le développement national, ou occulte les progrès de la souveraineté alimentaire à travers la réforme agraire, ou les nombreux bienfaits sociaux de l´intégration du Sud, à travers l´OPEP – que rejoindra sous peu l´Equateur, ou la création d`une Banque du Sud. Mais à mesure que cette politique se propage en Bolivie et en Equateur, le Monde se retrouve dans une position difficile. Sans doute, à force de mépriser le peuple et de se coupler aux mouvements de la Bourse, est-il tombé dans le même piège que les médias privés vénézuéliens : croire que le peuple n´existe pas et que l´Histoire est finie.
En France la critique des médias sème dans un terrain encore inégal, les idées qui permettront un jour de démocratiser l´information. Ce n´est pas une “éthique” retrouvée par miracle qui rendrait le Monde, Libération ou TF1 plus “objectifs”. Mais comme le proposait le Conseil National de la Résistance en 1944, l´appropriation citoyenne de l´information.
* Licencié en Communications Sociales, IHECS, Bruxelles. Cofondateur des télévisions associatives Teletambores et Camunare Rojo TV. Actuel vice-président de la télévision publique Vive, Venezuela.
http://www.vive-fr.org/blog

Accélérer le processus

Le 3 décembre prochain, le peuple vénézuélien va choisir de poursuivre ou non le processus révolutionnaire initié par Hugo Chavez voilà maintenant huit ans. Face à lui, se présente Manuel Rosales, impliqué dans le coup d’État de 2002.

Au soir du 3 décembre, il n’y aura certainement pas de surprise. L’engouement populaire dont bénéficie Hugo Chavez est tel qu’on ne voit pas comment il pourrait perdre cette élection présidentielle. Depuis 1998, date de son accession au pouvoir, Chavez et ses partisans ont gagné les onze élections. Certes, à plusieurs reprises, les taux de participation étaient catastrophiques - entre 25 et 30 % - mais, à chaque fois que l’enjeu tournait autour de la pérennité du candidat président (élection présidentielle, référendum révocatoire), les Vénézuéliens ont toujours répondu massivement en faveur de Chavez, avec près de 60 % des voix et de forts taux de participation.

La réussite des missions d’éducation ou de santé est telle que le soutien populaire dont bénéficie Chavez n’est pas près de disparaître. Pourtant, la victoire annoncée risque de se faire dans la douleur. L’opposition se sait battue, tous les sondages donnant Chavez gagnant avec plus de vingt points d’écart sur son principal opposant, Manuel Rosales. Pour les opposants, l’objectif est donc d’expliquer que les élections sont jouées, les chavistes étant accusés de manipuler les urnes.

La bataille est donc avant tout médiatique. De faux instituts de sondages, financés par les États-Unis, publient des enquêtes donnant Rosales gagnant. Quoi de plus simple, ensuite, que de dénoncer la fraude électorale, par l’intermédiaire de l’ONG Sumate qui est, en fait, une officine de la CIA. L’ensemble des opposants à Chavez s’est rallié à Rosales : des anciens partis comme le Copei (social-chrétien) à l’organisation issue d’une branche maoïsante de la guérilla vénézuélienne, Bandera Roja, jusqu’aux fascistes de Primera Justicia. Rosales est le gouverneur de l’État de Zulia, le plus riche du Venezuela, frontalier de la Colombie. Ses liens avec le président colombien, Alvaro Uribe, et les paramilitaires sont avérés. Il compte, dans ses rangs, un certain nombre de gros bras soupçonnés d’être impliqués dans des assassinats de paysans qui revendiquaient l’application de la loi sur la terre.

De son côté, la gauche la plus radicale du Venezuela exprime, de plus en plus, des critiques sur le processus politique en cours. Le Mouvement du 13 avril, le Front paysan Ezequiel Zamora, le projet Notre Amérique, les camarades du Parti de la révolution et du socialisme, qui animent la tendance classiste au sein de l’Union nationale des travailleurs (UNT), Orlando Chirino et Stalin Pérez, pointent les manques. Durant cette campagne, ils se sont regroupés autour du slogan « Pour toutes nos luttes », marquant ainsi que, bien qu’étant des soutiens à la campagne de Chavez, ils entendaient voter, au-delà de la personnalisation de l’élection, pour la continuité et l’accélération du « processus révolutionnaire bolivarien ». Veillant à ce qu’une nouvelle bureaucratie chaviste ne vienne pas s’installer en lieu et place de la bureaucratie existante, ils veulent que l’axe programmatique principal de Chavez durant ces élections, « Construire le socialisme du xxie siècle », ne soit pas qu’un slogan de campagne.

La véritable campagne risque, en fait, de commencer après le 3 décembre. Nul doute que Chavez devra faire face à un battage médiatique sans précédent, alimenté par les États-Unis, relayé au-delà des frontières vénézuéliennes par les médias classiques comme, en France, Le Monde ou Libération, et dont le but sera simple : faire croire que le Venezuela est devenu une dictature. Mais si Chavez gagne cette partie-là, il devra ensuite se tourner vers cette gauche radicale et populaire qui, jusqu’à présent, lui a été un d’un indéfectible soutien, et qui attend aujourd’hui que l’avancée vers le socialisme se traduise par des actes économiques et politiques concrets.

Yannick Lacoste

Publié dans: rouge

Venezuela, La démocratie sur la sellette...

Un film proposé par et de Séverine Cornel et Solange Verger - production CEPAS -

Août 2004, le Vénézuela se prépare à affronter un événement majeur de son histoire politique. Un référendum appelle la population vénézuelienne à s’exprimer sur la poursuite ou non du mandat du Président Hugo Chavez, l’homme de gauche le plus controversé du renouveau politique en Amérique Latine. La campagne électorale qui précède est l’occasion de s’interroger sur l’état de la démocratie à travers le parcours de deux militants : Juan soutient ouvertement le président, tandis que Felipe milite auprès de l’opposition. Ces trajectoires parallèles nous offrent à voir les bouleversements politiques mais aussi sociaux, culturels et économiques d’un pays qui fait de plus en plus parler de lui.

Réalisation : Séverine Cornel et Solange Verger, Image : François Ladsous, Montage : Aurélien Bonnet, Mixage : Maxime Champesme, Voix off : Teddy Aymard, Traduction : Cédric Sebahizi Hakizimana, Production : CEPAS.

Voir la partie 1, 24’38’’

Voir la partie 2, 25’24’’

Le 3 décembre 2006 auront lieu les élections présidentielles au Vénézuela. Hugo Chavez brigue un troisième mandat à la tête de l’Etat. Des manifestations monstres de l’opposition suivi de manifestations de soutien à Chavez continue à secouer le pays.

Vers une accélération du processus

Nationaliser ! Une évidence dans le processus socialiste vénézuelien... Photo: Yannick Lacoste 2006

Suite à sa réélection à la présidence de la République bolivarienne du Venezuela, Hugo Chavez a annoncé des mesures qui marquent une radicalisation du processus en cours.
Par Yannick Lacoste et Édouard Diago

Avec plus de 7 millions de voix, un million de plus que lors du référendum révocatoire de 2004, validées par une commission d’observateurs internationaux reconnue par le candidat d’opposition, il faut de la mauvaise foi pour nier le caractère profondément démocratique de la réélection d’Hugo Chavez. L’opposition ne maintient pas moins une forte pression médiatique, relayée en France par Libération et Le Monde. Paulo A. Paranagua et Rémy Ourdan pour Le Monde, J.-H. Armengaud pour Libération ont choisi le camp de l’opposition vénézuélienne qui a organisé un coup d’État en 2002 avec la participation des principaux médias privés. Renvoyer les missions populaires au rang d’anecdotes, comme le fait M. Paranagua en expliquant qu’elles sont des « palliatifs qui ne modifient pas une éducation nationale défaillante », c’est oublier qu’elles ont permis à l’Unesco de déclarer, en octobre 2005, le Venezuela « terre libérée de l’analphabétisme ». S’il y a encore beaucoup à faire dans le domaine de la médecine, 20 000 médecins soignent dorénavant gratuitement les populations des quartiers populaires. Ce ne sont que deux exemples qui expliquent que, dans certains « barrios » de Caracas, plus de 80 % ont voté pour Chavez alors qu’il continue de prôner une radicalisation du processus révolutionnaire en s’attaquant concrètement aux intérêts du capital vénézuélien.

Parlant de « démanteler l’État bourgeois[...] obstacle à la révolution », Chavez a annoncé le non-renouvellement de la concession à la chaîne de télévision RCTV à cause de sa participation au coup d’État de 2002. Elle devrait être remplacée par une chaîne publique qui diffusera des productions nationales indépendantes, des télévisions communautaires et alternatives tout en continuant à employer une majorité des personnels de RCTV. Chavez s’est prononcé pour la renationalisation de toutes les entreprises privatisées depuis 1989, en commençant par la téléphonie et l’électricité, deux secteurs aux mains d’entreprises nord-américaines. Par ces nationalisations, Chavez entend établir « la propriété sociale des secteurs stratégiques des moyens de production ».

De la République bolivarienne à la République socialiste ?

La Constitution devrait être modifiée par référendum pour permettre en particulier la suppression de l’autonomie de la banque centrale qui ne répond pas aux décisions gouvernementales, ou la modification du nom du pays, de République bolivarienne en République socialiste. Un débat traverse aujourd’hui la gauche vénézuélienne concernant la mise sur pied d’un Parti socialiste unifié, qui regrouperait les forces appuyant Chavez dans une seule organisation. Mais peut-on regrouper au sein d’une même force les partisans d’un capitalisme encadré et les partisans d’une révolution socialiste ?

Le nouveau gouvernement accompagne ce cours radical. Jorge Rodriguez, dirigeant de la Liga Socialista, parti clairement anticapitaliste, sera le nouveau vice-président en remplacement de José Vicente Rangel, identifié à l’aile conciliatrice du chavisme. Un ministre du PCV ainsi qu’un ministre se réclamant du trotskysme et membre du parti de Chavez, le ministre du Travail, entrent au gouvernement. Cela permet à Chavez de dire une nouvelle fois publiquement qu’il adhère à la théorie de la « révolution permanente » développée par Trotsky. Dénonciateur de l’expérience soviétique de parti unique et de confiscation de la démocratie politique, le cours démocratique de la révolution bolivarienne est réaffirmé par la volonté de développer le pouvoir communautaire communal, de remettre en jeu son élection par un référendum à mi-mandat. Quant à la volonté d’être réélu à vie, comme l’écrit la propagande du Monde et de Libération, il ne s’agit que de s’aligner sur ce qui se fait en Europe, chacun étant libre de présenter sa candidature sans limitation de mandat.

Comme la gauche révolutionnaire vénézuélienne, comme les camarades du Proyecto Nuestra America et du Partido Revolucion y Socialismo, nous devons appuyer ces mesures et la volonté d’avancer vers une transformation radicale et anticapitaliste de la société vénézuélienne. Mais le socialisme ne se construit pas uniquement par décrets. Il faudra l’intervention directe des masses, organisées dans les syndicats, dans les comités populaires, dans les partis révolutionnaires et les milices de défense nationale, pour imposer concrètement ces mesures, puis les défendre face à l’activité intense de déstabilisation que développe la bourgeoisie vénézuélienne avec le concours du gouvernement des Etats-Unis. Tout l’enjeu du processus bolivarien est là : faire que le peuple s’approprie les propositions de Chavez pour battre autant la droite que la bureaucratie enkystée dans le processus révolutionnaire. C’est à ce prix que les premiers pas vers le socialisme se feront.