Après l'élection triomphale de Chavez...

Tsunami rouge pré-électoral !!!

Hugo Chavez a été réélu dimanche 3 décembre avec 62.89% des voix (après le décompte final) à la tête du processus révolutionnaire vénézuelien. Pour la première fois il est en tête dans tous les états du Venezuela y compris dans le bastion de l'opposition et de son principal adversaire: l'Etat pétrolier de Zulia.

Cette réélection est le signe d'une immense mobilisation populaire qui a su déjouer les tentatives désespérés de l'opposition soutenue par Washington. Elle met le gouvernement dans une position idéale pour approfondir le processus.

Au placard ! les tee-shirts, les drapeaux flanqués du mot FRAUDE préparés pour manifester et « occuper la rue » selon les mots d'ordre préélectoraux de l'opposition en cas de victoire de Chavez. Il a en effet été impossible de la part de Manuel Rosales (principal opposant avec 38% des voix) de contester l'élection de Chavez tant l'écart (3000000 de voix) et les garanties techniques offertes par le Conseil National Électoral1 fermaient toute possibilité même aux plus hargneux des « escualidos »2
Tristesse aussi pour les quelques vénézueliens ayant cru à la carte de crédit « mi-negra » distribuée par Rosales qui, une fois activée, aurait permis de retirer 270 à 400 euros par mois !!! Cette mesure d'un populisme exagéré aurait pu marqué des points, mais c'est une nouvelle preuve de leur méconnaissance du peuple vénézuelien. Le niveau de conscience politique s'est énormément élevé au Vénézuela et un peuple conscient est difficilement corruptible, la pratique du gouvernement bolivarien y est pour beaucoup: la démocratie participative qu'il propose est basée sur le financement des projets communautaires et sociaux écrits et pensés par les familles elles même, recevant l'argent elles même mais à la seule condition d'être et de rester organisé, c'est ainsi que les missions d'éducation de santé et d'alimentation mais aussi les missions nouvelles comme « madre de barrios »3 ou « identidad »4 connaissent un succès immense (fin de l'analphabétisme, de la malnutrition, accès aux droits fondamentaux à des millions de personnes) et améliore la vie quotidienne des vénézueliens. La mobilisation sociale est acceptée et même encouragée dans le jeu institutionnel tout évènement est accompagné de manifestations, de la création d'une coopérative à l'application d'une mission, la population manifeste toujours en masse ses exigences dans les négociations avec le gouvernement. Le recueil de pétition à valeur constitutionnelle notamment dans la possibilité de révoquer tous les mandats électoraux à mi mandat. Toutes ces transformations de la société vénézuelienne rendent plus difficiles les discours politiciens et gène dans sa propagande l'opposition et son principal porte voix: les grands médias privés dont l'emprise sur la population est très très altérée malgré leur omniprésence.

Perspectives d'un troisième mandat Chavez.

Il était important pour la population vénézuelienne que Chavez soit plébiscité en tant que leader du processus mais, ceci étant fait, il reste de grandes tâches à accomplir et aussi des obstacles importants à surmonter.
Dès sa réélection, Chavez a annoncé que ce mandat serait celui de la construction du socialisme. Mais le gouvernement risque d'être rapidement à cours de possibilités pour renouveler sa politique, et ce pour des raisons structurelles. On sait que le processus avance sous les coups de fouet de la contre révolution et aujourd'hui la contre révolution est interne, en effet, il reste à en finir avec un fonctionnement de l'état encore très influencé par les pratiques de corruption et la bureaucratie héritée de la IV° république. Et depuis peu, on voit apparaître un courant déjà appelé par les militants: « chavisme sans le socialisme » qui se contente des avancées sociales et acquis du chavisme sans vouloir un véritable projet anticapitaliste.

Or, ce courant rentre en contradiction avec les attentes de la population qui devient de plus en plus capable au fil des luttes de construire des mouvements sociaux indépendants de l'Etat pouvant faire la révolution dans la révolution... comme le Frente Ezequiel Zamora (mouvement des paysans sans terre), l'UNT (nouvelle centrale syndicale), l'AMCLA (regroupement des medias communautaires), le Mouvement 13 avril et le Projet nuestra america (tentative d'organisation des communautés en lutte)5. Toutes ces structures sont des mouvements politiques à part entière chacun dans leur domaine avec une capacité de mobilisation croissante.

Ces mouvements seront bien sûr très attentifs et très impatients dans les mois qui viennent. Le Frente Ezequiel Zamora va jouer un rôle essentiel dans l'approfondissement de la réforme agraire condition sine qua non de l'approfondissement du processus et exige de l'Etat la protection des occupations cibles des sicarios6 des grands propriétaires. l'UNT est la seule force crédible pour lutter efficacement contre la bureaucratie et la corruption. Au Venezuela l'accumulation primitive du capital se fait dans l'extraction des principales richesses vers l'extérieur, la bourgeoisie nationale qui en profite est alimentée par les devises laissées au passage par les multinationales sous forme de taxes ou de services mais surtout sous forme de corruption. C'est pour cette raison que le Venezuela est défini comme un capitalisme dépendant, avec une bourgeoisie nationale dépendante de l'extérieur.

Pour une organisation syndicale dans ce genre d'économie, le combat n°1 est celui contre la corruption. L'UNT prend ce rôle en main et mobilise sur ce thème, le 18 juillet dernier 8000 personnes ont défilé à Caracas prenant violemment à parti certains bureaucrates qui se revendiquent de façon opportuniste du chavisme. Dans le même sens, l'UNT demande le contrôle ouvrier sur toutes les entreprises d'extraction (y compris PDVSA), des luttes sont en cours depuis quelques mois pour la nationalisation sous contrôle ouvrier (comme à SIDOR, extraction et fonte d'acier). Dans la construction du socialisme, le mouvement social tire les leçons du passé, maintenant des luttes exigent le maintien des organisations syndicales dans les coopératives7 pour ne pas reproduire les erreurs faites dans les anciennes coopératives et certaines entreprises en cogestion8 par exemple dans la lutte des « Sanitarios Maracay » qui demande l'expropriation et la mise en cogestion de leur usine fermée alors qu'ils ont repris la production et élu un comité de direction.

C'est sur ce terreau là que le gouvernement pourra semer ce fameux socialisme du XXI° siècle, ce projet doit être soutenu et critiqué par l'ensemble des mouvements sociaux internationaux. Les débats des travailleurs vénézueliens doivent être connus des travailleurs de toute l'Amérique Latine et du monde entier, c'est la meilleure solidarité que l'on peut offrir aujourd'hui au peuple vénézuelien.

Julien Terrié

Publié dans: le Piment Rouge


1Le CNE est le garant du fameux « pouvoir électoral » qui depuis la constitution bolivarienne de 1999 constitue un pouvoir à part entière séparé de l'exécutif, du législatif et du judiciaire, il y a en tout 5 pouvoirs séparés au Venezuela, Montesquieu peut se retourner dans sa tombe son modèle à du plomb dans l'aile.
2Opposants, littéralement: « maigrelets »
3 mères des quartiers qui offre un salaire et l'accès aux droit sociaux comme la retraite et l'accès aux études aux femmes au foyer !
4Mission pour l'obtention par tous de « papiers », on comptait d'innombrables « sans papiers » vénézueliens parmi la population pauvre.
5 Déjà pendant la campagne ces organisations se sont regroupés sur la plateforme « por todas nuestras luchas » pour soutenir Chavez, certes, mais en tant que leader du processus et des luttes au Venezuela.
6Tueurs à gage.
7100.000 coopératives ont été créés au Venezuela depuis 1998, mais souvent sans voir la nécessité de s'organiser syndicalement.
8Nationalisation sous contrôle ouvrier. L'entreprise Invepal est devenu un lieu de conflit d'intérêt entre la coopérative créée par les travailleurs et l'Etat, les nouvelles luttes demandent le contrôle ouvrier intégral.

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